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Les « Amis de Dieu Â»

‒ I I ‒

Le Saint-Esprit, détail de L’Adoration de l’Agneau mystique

Le Saint-Esprit, détail de L’Adoration de l’Agneau mystique (1432) par Jan van Eyck

RN 1 2 3 & intro
Sommet pyramide
RN 4 5
RN 6 7 8
RN 9
Maître Eckhart RN 10
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RN 12 13 14 15
RN 16 17
RN 18
RN 19
Ami RN 20 21
RN 22 23 24
R N 25 26 27
Sermon 6
Sermon 10 RN 28
Jean de Ruysbroeck

Jean de Ruysbroeck
(1293-1381)

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L'investiture de Suso

L’investiture de Suso : le Christ lui donne le chapelet, il reçoit également l’habit de chevalier et le monogramme (Ms 2929, fol. 88r). L’Exemplar est un recueil constitué par Suso vers 1362. Il regroupe quatre textes de son œuvre : la Vita, le Petit livre de la Sagesse éternelle, le Petit livre de la vérité, et le Petit livre des lettres (cf. The Exemplar, Life and Writings of Blessed Henry Suso, O.P., Complet Edition Based on Manuscripts With a Critical Introduction and Explanatory Notes by Nicholas Heller, Translated from German by Sister M. Ann Edward, O.P., Dubuque, 1962 ; J.- A. Bizot, Henri Suso et le déclin de la scolastique, Paris, 1946. Contrairement à la thèse de l’auteur, Suso n’est pas un nominaliste.) Il fut béatifié en 1831.

The Wisdom of the Beguines
Marcella Pattyn - Béguine

Marcella Pattyn (1920-2013) était la dernière béguine. Elle est morte à Courtrai/Kortrijk le 14 avril 2013 à l’âge de 92 ans.

Sceau de fonction du Provincial de Saxe

Sceau de fonction du Provincial de Saxe daté de 1319. Il est identique à celui appendu, mais brisé, qui figure au bas de la seule lettre authentique de Maître Eckhart, datée du 11 septembre 1305, alors qu’il était prieur provincial de Saxe de 1303 à 1311 (Brunswick, Niedersächsisches Staatsarchiv Wolfenbüttel). Il représente le Christ ressuscité sortant du tombeau. On peut lire autour : S. PRIORIS (PRO)VINC. FRM PRED (SAX)ONIE (Sigillum Prioris Provincialis Fratrum Predicatorum Saxonie). Cf. Kurt Ruth, Initiation à Maître Eckhart, p. 25, Fribourg, 1997 ; Jean-Claude Bologne, Les sept vies de Maître Eckhart, Monaco, 1997.

The Rothschild Canticles

The Rothschild Canticles, folio 98r

Cf. Jeffrey F. Hamburger, « Revelation and concealment: apophatic imagery in the Trinitarian miniatures of the Rothschild canticles », 1991.

The Rothschild Canticles

Deus absconditus

(The Rothschild Canticles)

église des Frères prêcheurs où Eckhart était Prieur

Le chœur de l’église des Frères prêcheurs où Eckhart était Prieur.

The Rothschild Canticles

The Rothschild Canticles

Sermon de Maître Eckhart

Sermon de Maître Eckhart en dialecte alémanique, copié à la fin du XVe siècle, ayant appartenu à la Chartreuse de Buxheim (Fondation Bodmer, Suisse).

              La forme de la fraternité des « Amis de Dieu » sort des structures habituelles qui faisaient référence jusqu’à cette époque. Mise à part l’installation formelle de “l’Île verte” de Strasbourg qui a laissé des traces dans l’histoire, les « Amis de Dieu » furent, pour la plupart, très “discrets” pour ne pas dire “secrets”. Leur façon de procéder correspond bien, comme le dit René Guénon, à « Cette réorganisation [qui] dut se faire d’une façon plus cachée, invisible en quelque sorte, et sans prendre son appui dans une institution connue extérieurement et qui, comme telle, aurait pu être détruite une fois encore » (1). Ce ne fut pas un mouvement revendiquant ouvertement une doctrine, mais qui s’attacha plutôt à la mise en œuvre de techniques spirituelles s’apparentant à ce que Guénon dit de la réalisation spirituelle. Il est incontestable, cependant, que les « Amis de Dieu » profitèrent d’influences puissantes provenant des Maîtres dits “rhénans” ou “rhéno-flamands” (2) dont on reconnaît les doctrines dans les sermons et les méthodes mises en œuvre, même s’ils ne sont pas toujours cités expressément (3).

                       La forme que prit l’influence spirituelle dont bénéficièrent les « Amis de Dieu » et d’autres organisations, peut être décrite comme “pyramidale”, si l’on peut dire, à condition de ne pas comprendre cela comme une structure figée et rigide. Au faîte de cette pyramide se trouvent quelques personnages dont la station spirituelle fut indubitablement très élevée – voire accomplie – et qui font figure d’autorités dans l’ordre de la doctrine et de la réalisation. Puis, en descendant graduellement, cette influence imprégna toutes les couches de la société : sacerdoce, noblesse, bourgeoisie, peuple.

 

Le sommet de la pyramide

 

                Au sommet on trouve quatre grands noms : Maître Eckhart (vers 1260-vers 1328), Jean de Ruysbroeck (1293-1381), Jean Tauler (vers 1300-1361), Henri Suso (vers 1295-1366), sachant que le premier a sans doute influencé les autres. Quelle fut la nature exacte des relations, à Strasbourg, entre Maître Eckhart et ses deux disciples Tauler et Suso ? Ruysbroeck et Tauler se sont-ils rencontrés ? De quel ordre fut le rapport entre Maître Eckhart et Ruysbroeck ? Autant de questions qui font débat chez les spécialistes et qui, finalement, n’ont qu’une importance secondaire. Dans le domaine spirituel, en effet, les analogies ne reposent pas nécessairement sur des phénomènes sensibles et des relations historiquement attestées (4). Le mouvement des influences spirituelles et des idées sur lesquelles elles s’appuient est plus subtil que des rencontres dans l’ordre corporel ou que la transmission de documents écrits (5). Ce qui est sûr, c’est que les affinités entre Maître Eckhart, Ruysbroeck, Tauler, Suso, tant sur le fond doctrinal que sur le plan de la méthode spirituelle, sont reconnues unanimement. Quant à Ruysbroeck, nous préciserons plus loin pourquoi nous l’incluons dans cette représentation pyramidale. En tout cas, tous sont contemporains et ont eu la possibilité de se rencontrer physiquement, c’est pourquoi beaucoup penchent, comme nous, pour répondre par l’affirmative à la plupart de ces interrogations (6). Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point plus loin.

            Par ailleurs, ces quatre autorités furent en relation active avec des mouvements laïcs qui tentèrent d’ouvrir d’autres voies spirituelles à la fin du Moyen Âge. Maître Eckhart, qui est considéré parfois comme étant « à l’origine des Amis de Dieu, plus connus grâce à Jean Tauler » (7), fut missionné pour contrôler les béguines et réfuter les thèses de “Frères et Sœurs du Libre Esprit” (8) ; Ruysbroek influença directement Gérard Groot, le fondateur des “Frères de la vie commune” auxquels furent affiliés plus tard Nicolas de Cues (1401-1464), Érasme (1469-1536) et même Luther (1483-1546). On sait aussi que Ruysbroeck offrit l’une de ses œuvres, L’ornement des Noces spirituelles, aux « Amis de Dieu » de Strasbourg.

               Il n’est pas dans notre intention de développer ici des considérations trop étendues sur les quatre personnages cités plus haut ; nos lecteurs, s’ils ne les connaissent déjà, pourront se reporter facilement aux nombreuses publications qui les concernent (9). Nous n’en dirons que quelques mots, sous forme de synthèse, pour préciser notre point de vue qui ne coïncide pas nécessairement avec celui de certains spécialistes. Nous rappellerons qu’il s’agit avant tout d’envisager ici les rapports entre ces autorités et les « Amis de Dieu ». Cependant, nous développerons quelque peu le thème concernant Eckhart, car la perception que l’on a de ce Maître conditionne fondamentalement l’appréciation que l’on peut avoir du mouvement des « Amis de Dieu » dans sa globalité, en tant qu’il est influencé par la spiritualité rhénane dont Maître Eckhart est le plus éminent représentant.

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Maître Eckhart

 

             Maître Eckhart est un véritable métaphysicien, au sens complet donné à ce terme par René Guénon et qui inclut la réalisation spirituelle effective (10). Il fut, en plus de sa fonction de Maître en doctrine (Lesemeister), un Maître de la voie spirituelle (Lebemeister, textuellement : un Maître de vie) ayant à charge de diriger des âmes vers Dieu. Les disputes pour déterminer s’il fut plutôt un théologien, un “mystique”, un philosophe, ou un maître spirituel, reflètent souvent les idées limitatives de ceux qui les engagent. L’expression de “mystique spéculative” qui tend à s’imposer présente, dans les deux termes choisis, de nombreux inconvénients. En ce qui concerne celui de “mystique”, nous renvoyons le lecteur à ce qu’en a dit René Guénon (11) qui le distingue nettement du terme “initiatique”, plus propre à rendre compte de la voie de réalisation spirituelle. L’adjectif “spéculatif” induit, quant à lui, un risque dans l’ordre de la compréhension de la doctrine métaphysique, car il faut bien comprendre que chez les êtres de réalisation comme Eckhart, la faculté rationnelle mise en œuvre dans l’activité explicative n’est que l’interprète approximatif des états spirituels réalisés. La spéculation, si l’on voulait conserver ce mot, ne pourrait être comprise que comme une traduction, un reflet selon son sens étymologique, au niveau de la raison, des réalités qui la dépassent, afin de tenter d’en transmettre l’expérience à d’autres. Il ne s’agit donc pas de faire des théories rationnelles, aussi subtiles soient-elles, sur un objet qui dépasse les possibilités de cette faculté limitée ni, comme on le voit parfois écrit, de jauger la “rationalité” des intuitions métaphysiques.

              René Guénon, dans sa correspondance, ne considérait donc pas Maître Eckhart comme un mystique, ce qui revient pour lui à le considérer comme un initié. Une citation de Michel Vâlsan reprise plus haut, montre que lui aussi s’en faisait la même idée (12). Au fond, cette qualité de métaphysicien est résumée dans la célèbre sentence de Tauler qui défend son maître en affirmant : « Il parlait à partir de l’Éternité et on l’a compris à partir du temps ! », le point de vue métaphysique étant pour René Guénon celui qui part du Principe, donc de l’Éternité (13).

               Homme de réalisation spirituelle accomplie, Maître Eckhart le fut donc sans aucun doute (14) ; c’est parfois dans certaines de ses thèses condamnées ou suspectées que cela apparaît clairement (15). Les désaccords sur sa doctrine : valeur de L’Intellect, prééminence de l’Être ou de l’Un, sa vision de la Trinité et de l’Unité divine, sont du plus grand intérêt, mais la plupart du temps ces questions sont envisagés, dans le meilleur des cas, au point de vue théologique par ceux qui les ont abordés, et le plus souvent au point de vue philosophique (16). Un recours aux grandes doctrines métaphysiques traditionnelles, d’où qu’elles viennent, montrent que finalement, Maître Eckhart trouve place dans le cénacle des plus éminents métaphysiciens qui nous sont connus, comme Ibn ‘Arabî (17), Sankarâchârya, Nâgârjuna etc. Cette affirmation entraîne souvent des réactions agacées de ceux qui veulent garder “leur” Maître Eckhart chrétien, bien distinct des autorités que nous venons de citer. Ce débat n’a pas lieu d’être si l’on considère les choses d’un point de vue universel. Il est vrai que, mis à part quelques passages de leurs œuvres, tous les grands métaphysiciens s’expriment à travers la forme de la tradition qui a permis leur réalisation spirituelle. Les doctrines des autres formes sont soit occultées, soit remises en cause, soit “assimilées” sous une forme acceptable pour le milieu traditionnel auquel cette autorité appartient (18). Mais la vision purement intellectuelle de René Guénon permet d’opérer les rapprochements qui s’imposent sans pour autant nier les différences. Il faut bien comprendre, en effet, que la coïncidence des doctrines ne s’opère que dans l’ordre métaphysique pur et que, en dehors de ce domaine, des nuances apparaissent dans l’ordre de l’exposition doctrinale et des modalités de réalisation spirituelle. Cependant, chez les plus grands Maîtres, ceux qui ont réalisé et exposé la doctrine de la Non-Dualité, il y a, dans l’ordre doctrinal et dans celui des moyens de réalisation, des ressemblances incontestables qui sont dues au fait que c’est le point de vue métaphysique suprême qui, s’imposant chez eux, conditionne et la voie spirituelle et l’expression de la doctrine, car la marque de l’Unité suprême, expression de cette Non-Dualité, s’imprime inévitablement dans tous les degrés (19).

           S’il est donc ridicule d’insinuer que Maître Eckhart n’est pas fondamentalement chrétien, il est tout aussi ridicule de contester que sous le rapport des idées pures il est en communion avec tous les métaphysiciens véritables, et que l’exposition de sa méthode de réalisation spirituelle s’apparente naturellement à celles d’autres maîtres du même niveau dans d’autres Traditions.

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L’Ami de Dieu chez Eckhart

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           Dans l’œuvre de Maître Eckhart, la notion d’“Ami de Dieu” semble plutôt être réservée à la qualification d’un état spirituel réalisé par une élite ‒ état susceptible d’être complété par une fonction ésotérique régissant le monde ‒ plutôt qu’à un mouvement social structuré (20).

          August Jundt (21) avait écrit : « Eckhart déjà, dans les documents qui se rapportent à son séjour dans cette ville [Strasbourg] pendant les années 1312 à 1317, parle dans un langage d’une haute éloquence des “amis que Dieu s’est élus et qui vivent dans sa mystérieuse intimité”. Il décrit l’humilité de leur condition terrestre, tandis que leur vie intérieure, inconnue au commun des hommes, se déroule au sein des splendeurs de la divinité ; il exalte les bénédictions que leur présence attirent sur les pays qu’ils habitent “eux, dont l’activité d’un seul instant a plus de prix dans l’éternité que toutes les bonnes œuvres extérieures qui ont jamais été faites” ; il rappelle la vénération qui doit s’attacher à ceux qui demeurent dès ici-bas auprès de Dieu “dans la salle d’honneur de son château royal”, et il conjure ses auditeurs d’apprendre à les connaître et à “aimer Dieu en eux”, de les traiter miséricordieusement et de leur donner tout ce qui peut leur faciliter l’existence, car leur refuser un bien quelconque serait les frustrer de ce qui leur revient de droit, puisque “Dieu leur appartient avec toute sa puissance et avec toutes les créatures qu’il a jamais produites” » (22).

              Cette citation place les « Amis de Dieu » comme l’équivalent du saint en islam, le Walî Allâh, textuellement l’“Ami d’Allâh”, avec la précision qu’il faut envisager cette notion à son degré le plus élevé qui est l’état de sainteté suprême des Malâmiyyah (ou : Malâmatiyyah), dont l’attitude est de cacher leur réalisation spirituelle à ceux qui sont incapables d’en tirer profit (23). Le texte fait, de plus, allusion à des fonctions de préservation du monde par les « Amis de Dieu » qui ne sont pas sans rappeler les fonctions de gouvernement ésotérique du monde (tasarruf) du Diwân al-Awliyâ le “Conseil des saints”, bien connues dans le Soufisme (24), et dont l’équivalent se trouve en toute tradition. 

           Comme nous l’avons vu précédemment, Eckhart adopte pour le mot “fils” l’étymologie symbolique de philos, amour en grec, ce qui permet d’identifier l’Ami de Dieu au Fils de Dieu. Ce rapprochement apparaît pour beaucoup comme une étymologie fantaisiste, alors qu’elle s’apparente vraisemblablement au procédé d’interprétation du nirukta hindou, méthode à propos de laquelle René Guénon a renvoyé à certains passages du Cratyle de Platon et à la Qabbale hébraïque (25).

                Quoi qu’il en soit sur le plan purement formel, il est clair que le Maître, en faisant d’“ami” un synonyme de “fils”, place l’Ami de Dieu au sommet de la réalisation spirituelle, comme nous allons le constater (26). Cette identification a aussi pour résultat que l’expression « Ami de Dieu » est relativement rare dans ses écrits où le thème du “Fils” est naturellement plus présent.

                   Dans le Discours de la discrimination (27), le Maître évoque brièvement les Amis de Dieu :

                 « Tu dois savoir que les Amis de Dieu ne sont jamais sans consolation (trôst/Trost), car ce que Dieu veut c’est leur totale et suprême consolation ; qu’elle soit consolation ou non-consolation. » (ch. 10)

             Il prône l’abandon de l’espérance dans les œuvres spirituelles, quelles qu’elles soient, car « Ce que veut Notre Seigneur, c’est que Ses Amis renoncent : dès lors, Il leur retire un tel soutient, afin qu’Il soit leur seul Soutient […] Ils doivent se trouver et se considérer comme un pur néant dans la totalité des grands dons de Dieu, car plus nue et vacante est la totalité de l’être qui tombe sur Dieu et qu’Il retient, plus l’homme sera profondément fixé en Dieu » (ch. 19)

             Dans les sermons, la mention des Amis de Dieu (die vriunde gotes/ die Freunde Gottes) n’est pas fréquente, mais elle apparaît toujours pour éclairer et justifier certaines doctrines sublimes du Maître.

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                 Sermon 6

               « Le Père engendre son Fils sans cesse. Là où le Fils est engendré, là il ne prend rien du Père, car il a tout, mais dès lors qu’il est engendré, il prend alors du Père. À ce point de vue, nous aussi, nous ne devons rien espérer de Dieu comme d’un étranger. Notre Seigneur a dit à ses disciples : “Je ne vous ai pas appelés ‘serviteurs’, mais ‘amis’ » (cf. Jean, 15, 15). Ce qui demande à quelqu’un d’autre est ‘serviteur’, et ce qui récompense est ‘maître’. Je me demandais récemment si je voulais prendre ou désirer quelque chose de Dieu ; je me dois d’y réfléchir pleinement, car si je devais prendre quelque chose de Dieu, je serais alors sous Dieu comme un serviteur, et lui comme maître en tant qu’Il donne. Nous ne devons pas être ainsi dans la vie éternelle. »

                Dans ce passage la notion d’“ami” sert à expliquer le statut de l’initié qui a réalisé l’« Identité suprême » où la relation serviteur-maître est abolie. À remarquer qu’Eckhart place cette station dans « la vie éternelle », ce qui suppose que tant que ce degré n’est pas réalisé, cette relation subsiste avec toutes ses implications.

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                    Sermon 10

                « Saint Paul a dit : “Vous êtes à présent affranchis de vos péchés, et ainsi êtes devenus serviteurs de Dieu” (Romains, 6, 22). Le Fils unique engendré nous a affranchis de nos péchés. Cependant, notre Seigneur dit plus précisément que saint Paul : “Je ne vous ai pas appelés ‘serviteurs’, je vous ai appelé ‘mes amis’”. “Le serviteur ne sait pas ce que son Maître veut”, mais l’ami sait tout ce que sait son ami. “Tout ce que j’ai entendu de mon Père (28), je vous l’ai fait savoir”, et tout ce que Mon Père sait, je le sais, et tout ce que je sais, vous le savez, car moi et mon Père avons un seul Esprit. Dès lors qu’un homme sait tout ce que Dieu sait, il est un homme Savant-de-Dieu » (cf. Jean 15, 12-15).

             La notion d’“ami” sert ici à révéler l’identité essentielle du Père, du Fils et de l’Homme réalisé sous le rapport de la connaissance.

         Maître Eckhart revient sur le même thème dans le sermon 27 en insistant sur le jaillissement originel unique du Fils, du Saint-Esprit et de l’Ami.

            « Maintenant, remarquez le second petit mot qu’il dit : “Je vous ai appelés ‘mes amis’, car je vous ai dévoilé tout ce que j’ai entendu de mon Père.” Remarquez à ce moment qu’il dit : “ Je vous ai appelés ‘mes amis’. Dans le même jaillissement originel, là où le Fils jaillit, là où le Père prononce Son Verbe éternel sortant du même Cœur, là jaillit aussi originellement et sourd le Saint-Esprit […] À présent, il dit : “Je vous ai appelés ‘mes amis’. Oui, dans la même naissance, là où le Père engendre Son Fils unique et lui donne la racine, et toute Sa Déité, toute Sa Béatitude, sans garder rien pour Lui-même, dans cette même naissance il nous appelle ‘ses amis’. »

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          Sermon 13 a

       « Il est très doux qu’un ami près de son ami se tienne. Dieu nous assiste et reste près de...

 

Steffen Greif

(À suivre)

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La suite de cet article est exclusivement réservée aux acheteurs 

de l'édition imprimée du numéro 8 des Cahiers de l'Unité

Citation

Pour citer cet article :

Steffen Greif, « Les Amis de Dieu», Cahiers de l’Unité, n° 8, octobre-novembre-décembre, 2017 (en ligne).

© Cahiers de l’Unité, 2017  

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