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Shrî Kubjikâ (Navâtmabhairava) 

NOTES

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Centre du temple de Bagalâmukhî à Patan

Centre du temple de Bagalâmukhî
à Patan

Shrî Kubjika yantra

Shrî Kubjika yantra

(Mns népalais : Mânasîvidhânaprâtaḥkṛtyâvidhi)

Temple de Guhyeshvarî à Katmandou

L'entrée du temple de Guhyeshvarî à Katmandou.

Guhyakâlî

Guhyakâlî

Siddhilakshmî

Siddhilakshmî

Dix Mahâvidyâs

Les Dix Mahâvidyâs 

(Art du Mithila)

The System of Five Cakras in Kubjikâmatatantra
Sultanat de Mahmûd de Ghaznî

Sultanat de Mahmûd de Ghaznî

Dix Mahâvidyâs

Emblème des « Prêtres-Rois » de Darbhanga (Mithila)

Tantras de Bhairava

Tantras de Bhairava

1. Ces servantes – pour la plupart l’une ou l’autre des Huit Mères qui entourent et protègent les villages newars – sont identifiées par les initiés avec les grandes déesses lignagères, particulièrement avec Kubjikâ, parce qu’elles en sont une émanation.

 

2. Il est possible de distinguer deux grandes périodes de développement des traditions tantriques hindoues. La frontière entre les deux est marquée par les travaux des exégètes shivaïtes [« non-dualistes »] cachemiriens qui commencent avec Vasugupta (IXe siècle) et se terminent avec Jayaratha (XIIIe siècle). Pour des raisons incertaines, dont je pense que la principale est la perturbation engendrée par la conquête progressive du Nord de l’Inde par les Musulmans, il s’est produit une rupture soudaine et catastrophique dans la plupart des lignages des principales traditions tantriques dans l’Inde du Nord au XIIe et XIIIe siècles. La plupart des traditions tantriques qui ont survécu à cette rupture sont celles qu’on trouvait dans le Sud de l’Inde à cette époque. Une exception majeure, et d’une importance particulière pour cette étude, concerne le culte de Kubjikâ, qui, à ce moment-là, était, semble-t-il, bien établi chez les Newars dans la Vallée de Katmandou et qui a continué à se développer depuis. L’autre, c’est le culte de Tripurâ.

                 Le nouveau Tantrisme qui s’est développé après cette période dans le Nord de l’Inde était principalement shâkta, c’est-à-dire centré sur les cultes des déesses. Une bonne partie du contenu de ces cultes a été élaborée à partir de vagues souvenirs de cultes plus anciens qui avaient été perdus mais qui étaient, dans l’ensemble, développés de manière plus large et plus systématique que leurs successeurs. [Cette hypothèse à propos de « vagues souvenirs » n’est pas admissible d’un point de vue traditionnel, en raison de l’origine « non-humaine » des voies tantriques authentiques et du rôle des influences spirituelles dans les formes différenciées de ces voies. Nous pensons qu’il faut plutôt envisager qu’il y eut alors plutôt une « réadaptation » des voies tantriques à de nouvelles conditions. (NDT)]

 

3. Le groupe de Dix Déesses, communément appelé les Dasha Mahâvidyâ, qui est devenu une très importante configuration de formes divines dans le Nord de l’Inde à partir du XVIIe siècle environ, est bien connu des Newars. Elles figurent même dans la géographie sacrée de Katmandou, de Patan et de Bhaktapur. Selon ce que j’ai pu recueillir au cours d’interviews, on les trouve aussi dans certains oratoires ou chapelles (âgañ) des initiés de caste supérieure, là où ils pratiquent le culte de leurs déesses lignagères tantriques (kuladevatâ). À part les pierres aniconiques dans lesquelles elles résident (pîtha) et qui entourent Katmandou et Patan, certaines d’entre elles ont des temples. Un temple important est dédié à la déesse Bagalâmukhî. Il est situé dans le complexe du temple de Kumbheshvara à Patan. Des peintures encadrées représentant les dix déesses des Dashâ Mahâvidyâs ornent la partie supérieure des murs extérieurs. [Les Dix Mahâvidyâs sont les formes symboliques des principes spirituels régissant les degrés de l’Existence dans le Shâktisme. (NDT)]

 

4. On trouve, dans les liturgies newars de toutes ces déesses Kaulas, un exemple frappant de la façon dont cela se pratique. La purification initiale des mains et du corps de l’officiant qui doit précéder tous les rituels tantriques est effectuée par la projection mentale de mantras sur le corps. Cela transforme le corps, la parole et l’esprit de l’officiant en celui d’une déesse et le rend apte à adorer la déesse. Pour ce processus (techniquement appelé nyâsa – litt. « déposition »), le mantra est l’invariable Vidyâ aux trente-deux syllabes de Kubjikâ (les Newars l’appelle « battîsî » ce qui signifie littéralement « avec trente-deux syllabes »). L’initiation Kaula qui est la plus populaire à Bhaktapur est appelée Vashishthadîkshâkarmapaddhati (ce qui est probablement un terme impropre pour Vishishtadîkshâkarmapaddhati). Un Bhairavâchârya de Bhaktapur m’en a donné une copie. Les phases préparatoires de l’initiation, qui rendent le disciple apte à recevoir le mantra de sa déesse lignagère, requièrent que le maître projette les mantras de Kubjikâ sur le corps du disciple. Cela se passe toujours ainsi quelle que soit l’identité de la déesse lignagère de la personne recevant l’initiation. L’identité fondamentale de l’initié en tant qu’agent rituel est ici clairement révélée comme étant Kubjikâ. Je prévois de traiter largement de cet aspect important et complexe du Shâktisme newar dans des publications à venir.

 

5. Le nom sanscrit exact de cette déesse est Siddhalakshmî, mais chez les Newars, elle est connue sous le nom Siddhilakshmî. Comme ce sont eux ses derniers adorateurs, si ce n’est les seuls, et que ce sont sans aucun doute les plus nombreux parmi ceux qui restent, je préfère la forme newari à laquelle je suis habitué de toute façon.

6. Selon Divâkar Âchârya, que je remercie pour l’information, il existe un manuscrit de ce Tantra, en feuille de palme datant du XIVe siècle, conservé à la bibliothèque Kaisar de Katmandou. Un autre manuscrit incomplet provenant d’une collection privée a été microfilmé par le Nepal-German Manuscript Preservation Project (NGMPP). Le mantra de base de Guhyakâlî est tiré de ce Tantra. C’est la forme du mantra utilisé le soir (nishârchana) dans le culte de Guhyakâlî qui se déroule à la conclusion de sa procession (yâtrâ) qui va du temple de Taleju à Katmandou à son temple principal dans le quartier de Pashupati (pour les détails, voir Axel Michaels, « Goddess of the Secret, Guhyesvarî in Nepal and Her Festival », in Wild Goddesses in India and Nepal, Berne, 1994). La liturgie (dont le texte est appelé Guhyeshvarînishârcanavidhih, NGMPP, bobine n° A 948/4) est centrée sur l’identité secrète de la Kâlî Secrète (guhya), à savoir Kubjikâ, ou pour être plus précis, l’Arme de Kubjikâ. La forme du mantra lui-même confirme cette identité en s’adressant à la déesse en tant que Guhyakubjikâ comme suit :

       OM GUHYAKUBJIKE HÛM PHAT MAMA SARVOPADRAVÂYA YANTRAMANTRATANTRACHÛRNAO-PRAYOGÂDIKAM YENA KRTAM KÂRÂYITAM KARISYATI TÂN SARVÂN HANA HANA DAMSTRÂKARÂLI HREL HRÎM HÛM PHATNGUHYAKUBJIKÂYAI SVÂHÂ

                 Le mantra est mentionné dans le dixième chapitre du Kubjikâmatatantra (KMT). En omettant OM et SVÂHÂ, il forme le mantra de l’Arme en forme d’épée (khadgâstra). C’est le mantra d’une des servantes de Kubjikâ (Dûtî), à savoir celui de l’Arme. Elle est identifiée avec Guhyakâlî qui est aussi connue comme Guhyeshvarî. Le KMT poursuit en nous informant que la source de ce mantra est le Tantra (svatantra) séparé et indépendant appelé Guhyakâlî, constitué de 125 000 vers (KMT 10/20-30). Cela signifie que non seulement le culte de Guhyakâlî existait avant le KMT, mais qu’il a été investi par le culte de Kubjikâ à la toute première période de son développement. Comme il y a au moins un manuscrit népalais du KMT appartenant à la première moitié du XIe siècle (voir ci-dessous), nous savons que c’est à ce moment-là que cela a dû se passer.

7. History of Nepal (p. 148, India, 1966) de Wright fait référence à un brahmane Tirhutîya (c’est-à-dire Maithili) appelé Narasimha Thâkur qui a contribué à inciter le Roi Pratâpamalla à fonder le célèbre temple de Guhyeshvarî à côté du temple de Pashupatinâth près de Katmandou. C’était en 1654 apr. J.-C. Selon cette chronique, il découvrit l’endroit où la déesse était située « après avoir parcouru le livre Mahâkâla Sanhitâ (sic !) ». Une référence similaire est mentionnée dans le Râjavamshâvalî (6 : 4). Dans la Vallée, le culte de Guhyeshvarî conjointement avec Pashupati précède certainement la fondation de ce temple (A. Michaels, op. cit., p. 135). En effet, le couple et leur séjour dans la Vallée sont mentionnés dans plusieurs anciens Tantras, incluant ceux du culte de Kubjikâ. Par exemple, elle est citée dans le  Nishisamchâratantra, dont on a un manuscrit en feuille de palme. Le texte est écrit en ancien newari qui date sans doute du XIIe siècle, ou même d’avant. Mais, bien que le texte soit ancien, l’exposé des pîthas dans ce texte ne correspond pas avec ce qu’indiquent les références tirées du Nishisamchâra, citées dans les travaux cachemiriens (voir M. S. G. Dyczkowski, The Canon of the Śaivāgama and the Kubjikā Tantras of the Western Kaula Tradition, p. 156, n. 251, Albany, 1988). Plusieurs feuillets de ce manuscrit sont manquants ; en outre, l’ordre de ceux qui restent est bouleversé. Les références commencent à la dernière ligne de la première partie du quatrième folio dans l’ordre séquentiel selon lequel le manuscrit a été microfilmé. Le texte inédit dit :

                     nepâle samsthitan devam pshunâmm patir ishyate |

                     guhyeshvarîsamâyuktam, sthânapâlasamanvitam ||

              « Le dieu qui réside au Népal est considéré comme étant le seigneur des enchaînés (c’est-à-dire Pashupati). Il est lié à Guhyeshvarî et il est accompagné par le(s) gardien(s) du lieu. » 

               Le Mahâkâlasamhitâ a été publié (voir la bibliographie). Il n’y a pas de références plus anciennes à ce texte et il est pratiquement inconnu dans la Vallée de Katmandou. Certains se demandent si ce n’est pas une création newar. D’autres recherches révèleront le degré d’influence que ce Tantra, dont il existe de nombreux manuscrit népalais, a exercé sur le culte newar de Guhyakâlî.

8. Ce Tantra qui, avec le Manthânabhairavatantra de l’école Kubjikâ, est le plus long Tantra connu existant, comprend 24 000 vers. Aucune partie n’en a encore été publiée. Il était bien connu des Shivaïtes cachemiriens de XIe siècle qui y faisaient respectueusement référence comme « Tantrarâjabhttâraka » - le vénérable Roi des Tantras. C’était une source majeure du culte cachemirien de Kâlî (en tant que Kâlasamkarshanî) comme c’est le cas pour la déesse Taleju (c’est-à-dire Siddhilakshmî) pour les Newars.

9. Faisant référence à la déesse Kâlî, A. Sanderson déclare que : « les Newars, qui perpétuent les anciennes traditions de la région, préservent son lien avec la Transmission du Nord. Pour eux, Guhyakâlî est l’incarnation de cette branche du Kaulisme. En relation avec elle, dans ce rôle, on trouve Déesse blanche Siddhalakshmî (toujours écrite Siddhilakshmî au Népal), une des déités apotropaïques (Pratyangirâ) du Jayadrathayâmala et le déesse protectrice des roi Malla (1200 – 1768) et de leurs descendants. » (« Le Shivaïsme et les traditions tantriques », Cahiers de l’Unité n° 4, 2016) Cette affirmation est, je suppose, basée sur l’étude des liturgies Kaula newars. Ainsi, sans avoir à poser d’embarrassantes questions, les érudits ont pénétré l’un des secrets les mieux gardés des Newars en étudiant leurs liturgies. [On nous permettra de préciser que ce secret ne fait, en réalité, qu’en cacher un autre, plus effectif, et inaccessible à de simples anthropologistes et aux seuls érudits. (NDT)] C’est un excellent exemple de la façon dont le travail des anthropologistes dans ce champ de recherche peut être utilement complété par celui des érudits qui étudient les textes. Nous pouvons aussi remarquer que, si A. Sanderson a raison quand il dit que « Guhyakâlî » est l’incarnation de la Transmission du Nord » pour les Newars, il s’ensuit qu’ils ont subordonné la Transmission du Nord à la Transmission de l’Ouest appartenant à la déesse Kubjikâ. 

10. Voir la fin de la note 7. Le Kubjikopanishad, bien que n’étant pas techniquement un Tantra, en est pratiquement un par son contenu. Ce texte aurait été produit par un brahmane newar. La caractère brahmanique pseudo-védique de ce texte n’est pas seulement attesté par les citations considérables qu’il fait de l’Atharvaveda mais par ce qu’il affirme lui-même : « un adepte de Kubjikâ… devait être un brahmane du clan Parâshara et un maître de l’école de Pippalâda-shaunaka comme enseigné dans l’Atharvaveda » (Kubjikopanishad 10/2). La date relativement tardive de ce texte est indiquée par la place centrale qu’il donne aux dix Mahâvidyâs (voir au-dessus note 2). Le fait que ce texte puisse avoir été écrit par un initié newar, qui connaissait le culte de Kubjikâ et aussi celui de Siddhilakshmî, est révélé par la place centrale qui est donnée à Siddhilakshmî comme étant la plus importante des Mahâvidyâs et son identification avec Kubjikâ dans sa forme Siddhikubjî. Au moment où les dix Mahâvidyâs devinrent populaires en Inde, le culte de Siddhilakshmî et d’autres déesses associées en dehors de la Vallée de Katmandou avaient probablement cessé. Par ailleurs, le culte de Siddhilakshmî en tant que l’une des dix Mahâvidyâs est très rare dans les premières sources textuelles, si ce n’est unique à ce texte. Ainsi, sa place d’honneur comme la plus grande, la plus royale de ces dix déesses « royales », comme elle sont décrites dans ce texte, indique que ce texte a certainement été écrit par un initié brahmane newar qui peut avoir été un des prêtres de la déesse Taleju/Siddhilakshmî.

11.  etad vai pashcimam veshma candrapuryeti nâmatah |

       mandalam prathamedam tu adhikâram tu mantrinâm ||

       (KuKh [Kumârikâkhanda of the Manthânabhairavatantra] 3/12)

12.  meroh pashcimadigbhâge | (KMT [Kubjikâmatatantra] 1/59c) 

13. M. S. G. Dyczkowski, op. cit., p. 91, 1988. [Sur la question de la localisation de Chandrapura, cf. Marc Brion, « Le secret des “Cinq Makâras” », n. 42, Cahiers de l’Unité, n° 3, 2016. (NDT)]

14. T. Goudriaan, Hindu Tantric and Śākta Literature, p. 52, Wiesbaden, 1981.

15. J. A. Schoterman, The Kubjikâmatatantra: Kulâlikâmmâya Version, p. 37, Leyde, 1982.

16. S. Rajagopalan, Old Goa, pp. 3-4, New Delhi, 1987.

              

17. Cette référence et les suivantes sont tirées de mes éditions critiques non publiées à ce jour. Les lectures originales, dans lesquelles elles diffèrent du texte édité sont entre crochets.

            pashcimasya samudrasya tîre ramye suvistare |||

            konkanâkhye mahâdeshe sâgarasya [-râya] vane shubhe |

            tatra candrapuram nâma nagaram nâgarair vrtam ||

           (ShatSS [Shatsâhasrasamhitâ] 43/27-8).

        Le Shrîmatottara décrit de la même façon Chandrapura comme étant près des montagnes et de la mer (samudrasyopakanthe 1/15c).

18.  tatra candraprabho nâma râjâ kadambavamshajah [-vamsajah] |

       shâsitâ sarvalokânâm tridashâdhipatir yathâ || (Ibid. 42/33)

19. Il est significatif à cet égard que Vidyânanda, un commentateur d’Inde du Sud du Nityâshodashikârnava, « semble avoir possédé », comme nous en informent les éditeurs du Kubjikâmatatantra (KMT), « une connaissance étendue des textes de l’école de Kubjikâ parce qu’il y fait référence de façon répétée » (T. Goudriaan et J. A. Schoterman, The Kubjikâmatatantra: Kulâlikâmmâya Version, p. 18,  Leyde, 1988). Maheshvarânanda qui était un disciple de Vidyânanda et vivait dans la partie du Sud de l’Inde gouvernée à ce moment-là par les Cholas, fait des citations à partir des sources de Kubjikâ à trois endroits dans son commentaire du Mahârthmañjarî (deux [citations] p. 4 et une p. 126). Bien que ces références n’aient pas été retrouvées dans le KMT, il semble avoir eu connaissance les Tantras de Kubjikâ, qui, bien que peu connus, doivent par conséquent avoir été en circulation dans le Sud de l’Inde au XIVe siècle. Pour les quelques autres références tirées du KMT, voir T. Goudriaan et J. A. Schoterman, op. cit., p. 14, 1988.

20. D. Heilijgers-Seelen, The System of Five Cakras in Kubjikâmatantra, p. 2, Groningen, 1994.

21. T. Goudriaan, op. cit., p. 52, 1981.

22. Cité par D. G. White, The Alchemical Body: Siddha Traditions in Medieval India, p. 94, Chicago, à partir de B. A. Saletore, The Kanaphata Jogis in Southern India, p. 20, Pune, 1937.

23. Dans le colophon du MBT (Manthânabhairavatantra) tîkâ (f. 186), l’auteur dit de lui-même qu’il est « l’ornement (tilaka) du vénérable pays du Cachemire et réside dans la vénérable ville de Pravapura (à savoir Shrinagar) »

(-shrîkâshmîradeshatilakabhûtashrîpravarapurântargata-)

24. –shrîvitastâsindhusangame prârthanâ prârthitâ [prârthita] grhîtâ | Ibid. f. 186

25. Voir M. S. G. Dyczkowski, The Doctrine of Vibration, p. 7, Albany, 1987.

26. Ibid.

27. Mahmûd de Ghaznî devint sultan en 997 apr. J.-C. Peu après son arrivée au pouvoir, il commença une série de raids en Inde, à partir de sa capitale, Ghaznî en Afghanistan. Les historiens ne sont pas d’accord sur le nombre exact de ces raids. Selon Sir Henry Elliot, il y en eût dix-sept et ils eurent lieu presque chaque année (Vincent A. Smith, The Oxford History of India, p. 205, Delhi, 1995) jusqu’à 1027 apr. J.-C. Bien que beaucoup de ces incursions aient pénétré loin dans le pays, Mahmûd annexa seulement le Penjab, ou la majeure partie, au Sultanat de Ghaznî (ibid. p. 208).

28. The Satsâhasrasamitâ Chapter 1-5, 3/79, Edited, Ttanslated and Annotated by J. A. Schoterman, Leyde, 1981

29. D. Heilijgers-Seelen, The System of Five Cakras in Kubjikâmatantra, p. 2, Groningen, 1994.

30. C’est le NAK (National Archives Kathmandu) MS n° 5-778/58 = NGMPP bobine n° A 40/18. Mithilâ est sans doute le point d’entrée le plus important des textes sanscrits parvenus dans la Vallée de Katmandou. Il y a de nombreux liens entre les Newars et les habitants de Mithilâ. Ces relations sont devenues particulièrement étroites à partir du règne de Sthitimalla (1637-1395 apr. J.-C.). Il a épousé Râjalladevî, membre de la famille royale de Bhaktapur qui était d’origine Maithili. Effectivement, les érudits discutent sur le fait que Sthitimalla ait pu lui-même être originaire de Mithilâ. Mais qu’il le fut ou non, il est révélateur que les rois Malla suivants se soient targués d’être d’origine Maithili. À partir du début de la période Malla, les raids maithilis répétés sur la Vallée démontrent la facilité avec laquelle celle-ci pouvait être envahie à partir de Mithilâ. De nouveau, Mary S. Slusser (Nepal Mandala : A Cultural Study of the Kathmandu Valley, p. 395, Princeton, 1982) nous apprend que « l’écriture employée après le XIVe siècle, aujourd’hui simplement désignée comme “Newari”, est intimement liée à l’écriture de Mithilâ ». Ce fait n’indique pas seulement la relation étroite entre la culture littéraire des deux peuples, il rend très facile aussi le passage d’un texte venant d’Inde via Mithilâ. Il n’est pas impossible que certains anciens manuscrits qu’on pensait écrits dans des formes anciennes de newari soient en réalité des manuscrits maithili.

31. Le manuscrit est le NAK (National Archives Kathmandu) MS n° 5-778/58 = NGMPP bobine n° A 40/18. Voir l’introduction à l’édition du KMT (p. 14), dans laquelle le colophon est reproduit en totalité. D. R. Regmi a aussi fait référence au même colophon (cf. Medieval Nepal, Calcutta, 1965).

32. Le manuscrit est le NAK n° 1/16 = NGMPP bobine n° A206/10. C’est une copie d’un manuscrit bien plus ancien. Le copiste l’a entièrement reproduit, y compris le colophon. La référence se trouve dans le folio 96b et est consignée comme suit (le texte a été corrigé. Le texte originel est entre crochets) :

         

         pakshe shive câshvinanâmadheye tithau trtîyâm dharanîsute ‘hni |

         shrîharshadevasya ca vardhamâme râjye mahânandakare [-mamdakare] prajânâm ||

         nepâladesham samupâgatena kâshthâbhidhe * * * samsthitena |

         svashisyavargasya nibodhanâya paropakârâya krtaprayatnah ||

         bhaktyâ svayam shrîkularatnapûrvam uddyotayantam [-udyotasantam] brhadâgamedam |

         shrîmatkulâcâryavivekaratnakenâpi [shrîmatkalâcârya-] samlekhitam [-ta] panditena ||

          (Le maître) lui-même est venu au Népal et réside à Katmandou (kâshthâbhida) et a fait un effort pour instruire ses disciples et aider les autres. (Il vint) à l’époque où le royaume de Shrîharshadeva était prospère et procurait beaucoup de joie à ses sujets (qui résidaient là). (Cet effort a été réalisé et a porté ses fruit sous la forme de ce manuscrit achevé) mardi (dharanîsute ‘hni), dans la moitié brillante (shîvapaksha du mois lunaire de) Âshvina, au troisième jour lunaire.

         Ce grand Âgama qui illumine le joyau de [la tradition] Shrîkula a été copié (samlikkiam lit. « écrit ») avec dévotion par le vénérable Kulâcârya et l’érudit Vivekaratna.

Cette référence nous informe que Vivekaratna habitait à kâshthâbhida, c’est-à-dire, un « (endroit) appelé Kâshtha ». Il semble qu’il y ait peu de raison de douter qu’il abrège le nom sanscrit « Kâshthamandapa » que j’ai traduit par Katmandou. Si la datation de l’original de ce manuscrit est correcte et qu’il date du XIe siècle, c’est donc la plus ancienne référence retrouvée jusqu’ici de l’endroit qui allait fusionner avec ses villages voisins et finalement donner son nom, après quelques siècles, à la ville ainsi constituée. Avant ma découverte de ce colophon, M. Slusser nous donnait cette information quand elle écrivait : « la première mention de Kâshthamandapa comme nom de lieu est indiquée dans un colophon daté de 1143 apr. J.-C. (N.S. [Nishisamchâratantra] 263). » (Op. cit., p. 9)

33. M. Slusser, op. cit., vol. I, p. 398.

34. Il est intéressant de mentionner en passant que sa diffusion rapide, comme celle de beaucoup d’autres traditions tantriques, pourrait bien être due au rôle important que les ascètes itinérants ont joué dans leur propagation, et probablement dans leur rédaction originale. Les rédacteurs originels et les propagateurs des Tantras, comme le montre la langue des textes, possédaient seulement une connaissance sommaire et souvent imparfaite du sanscrit. Mais même cela ne pouvait avoir été acquis que par ceux qui avait accès à la langue. À cette époque, il y avait seulement deux sortes de personnes qui auraient facilement eu ce privilège, à savoir les brahmanes et les ascètes. Je crois que ces derniers étaient prépondérants lors des étapes initiales de la formation et de la propagation à grande échelle des cultes tantriques, incluant ceux dont on parle ici. Dans les phases ultérieures de domestication et d’institutionnalisation, les brahmanes ont joué un rôle plus important, et dans de nombreux endroits, comme la Vallée de Katmandou, ils devinrent prédominants. Le brahmane renonçant est un hybride intéressant et important qui combine très bien les deux. Ce personnage, bien qu’inconnu de nos jours dans le Vallée de Katmandou, a joué un rôle tout à fait considérable dans le développement de toutes les formes de Tantrisme en Inde.

35. Je ne veux pas dire que les cultes prescrits par ces textes avaient leur propre existence séparée des autres. Il y a toujours eu, et il y a toujours, chevauchement des cultes entre eux. De nombreux cultes des Tantras de Bhairava pourraient avoir précédé une grande partie de ceux des Shaivasiddhânta Âgamas. Les adeptes d’un de ces cultes peuvent avoir été initiés aussi à un autre. On pourrait dire que cette tendance à mêler différents cultes est la conséquence pratique [de la personnification des « attributs divins » caractéristique] de l’Hindouisme. [Dans le texte original, l’auteur parle ici de « practical consequence of  the radical polytheism of Hinduism as a whole. » Il s’agit d’une formulation inadéquate. Rappelons qu’il n’y eut jamais aucune doctrine essentiellement polythéiste. Toute doctrine traditionnelle est en réalité une « doctrine de l’unité », ou même de la « non-dualité », qui devient monothéiste quand on veut la traduire en mode religieux. (Quand il s’agit véritablement du Principe suprême, il faudrait, en toute rigueur, parler de « non-dualité », l’unité, qui en est d’ailleurs une conséquence immédiate, se situant seulement au niveau de l’Être.) Comme le signale encore R. Guénon : « Dans l’Inde, en particulier, une image symbolique représentant l’un ou l’autre des “attributs divins”, et qui est appelée pratîka, n’est point une “idole”, car elle n’a jamais été prise pour autre chose que ce qu’elle est réellement, un support de méditation et un moyen auxiliaire de réalisation, chacun pouvant d’ailleurs s’attacher de préférence aux symboles qui sont le plus en conformité avec ses dispositions personnelles. » (Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, ch. VII) De son côté A. K. Coomaraswamy, parlant de « Dieux », tant dans la tradition grecque que dans la tradition hindoue, indique « qu’une telle multiplicité de Dieux n’est pas un polythéisme, car tous sont les sujets angéliques de la Suprême Déité dont ils tirent leur origine et en laquelle, comme il est si souvent rappelé, ils redeviennent un. » (What is Civilisation ? And Other Essays, Ipswich, 1989) Le polythéisme consiste à admettre une pluralité de principes considérés comme entièrement indépendants alors qu’ils ne sont et ne peuvent être en réalité que des aspects plus ou moins secondaire du Principe suprême. (NDT)] Je veux dire par là que les Hindous, comme les Grecs de l’antiquité, n’adorent jamais une déesse seule. Lui ou Elle est toujours accompagné par d’autres, même si, contrairement aux Grecs, les Hindous peuvent percevoir la déité comme ayant une identité absolue et suprême. [Selon R. Guénon, « Polythéisme et anthropomorphisme ne se sont vraiment généralisés que chez les Grecs et les Romains, et, partout ailleurs, ils sont restés dans le domaine des erreurs individuelles. » (« Monothéisme et angélologie », É. T., oct.-nov. 1946). En juillet 1930, il avait déjà précisé que « contrairement à l’opinion courante, il n’y a jamais eu nulle part aucune doctrine réellement “polythéiste”, c’est-à-dire admettant une pluralité de principes absolue et irréductible. Ce “pluralisme” n’est possible que comme une déviation résultant de l’ignorance et de l’incompréhension des masses, de leur tendance à s’attacher exclusivement à la multiplicité du manifesté : de là l’“idolâtrie” sous toutes ses formes, naissant de la confusion du symbole en lui-même avec ce qu’il est destiné à exprimer, et la personnification des attributs divins considérés comme autant d’êtres indépendants, ce qui est la seule origine possible d’un “polythéisme” de fait. Cette tendance va d’ailleurs en s’accentuant à mesure qu’on avance dans le développement d’un cycle de manifestation, parce que ce développement lui-même est une descente dans la multiplicité, et en raison de l’obscuration spirituelle qui l’accompagne inévitablement. » L’affirmation de l’Unité, parfaitement présente dans l’Hindouisme, y est sans doute moins exprimée extérieurement en raison du fait de l’ancienneté de la tradition hindoue : elle n’avait pas même besoin d’être formulée expressément pour apparaître comme la plus évidente de toutes les vérités, les hommes étaient alors trop près du Principe pour la méconnaître ou la perdre de vue. (NDT)]

36. Un colophon caractéristique trouvé à la fin de chaque chapitre (patala) du Jayadrathayâmala dit : iti bhairavasrotasi vidyâpîthe shrirashchede jayadrathayâmale mahâtantre caturvimshatisâhasre « (ceci est un chapitre) du grand Tantra, Jayadrathayâmala, (aussi connu sous le nom de) Shrirashcheda, constitué de vingt-quatre mille vers, qui appartient au Siège de la Connaissance du courant de Bhairava ». Voir Dyczkowski (op. cit, 1987) pour une réflexion détaillée sur le canon des Tantras de Shiva et les classifications élaborées pour ce faire dans ces travaux. Voir aussi A. Sanderson (« Le Shivaïsme et les traditions tantriques », Cahiers de l’Unité n° 1, 2, 3 et 4, 2016).

37. Ceci est selon le TÂ (Tantrâloka) 15/323b-329b. Abhinavagupta ne nous dit pas la source de cette configuration. Le parèdre de Kubjikâ est Navâtman. Le Mantra de Navâtman, selon Abhinavagupta (30/11c-12b) est RHKSMLVYÛM. La forme courante dans les Tantras de Kubjikâ et celle utilisée dans les rituels newar est HSKSMLVRYÛM.

38.   shabdarâshish ca mâlinyâ vidyânâm tritayasya ca |

        sângopângasamâyuktam trikatantram karishyati |

                 Voir A. Sanderson, « The Visualization of the Deities of the Trika », in L’Image divine : Culte et méditation dans l’Hindouisme, p. 32, Paris, 1990. Une traduction de cette référence importante est mentionnée dans M. S. G. Dyczkowski, The Doctrine of Vibration, p. 84, Albany, 1987 :

         Le Trikatantra sera constitué par une association de parties primaires et secondaires des trois Vidyâs avec Mâlinî et Shabdarâshi.

39. Le mantra de Parâ selon le KMT (Kubjikâmatatantra) 18/30b-31 est HSRÛAUM. Selon le TÂ (Tantrâloka) 30/27-28b, c’est SAUH. Abhinavagupta nous dit que deux différentes formes sont mentionnées dans le Trishirobhairavatantra, à savoir : SHAUH et HSAUH. Le mantra de Parâparâ est noté dans le 30/20-6a, et aussi ibid. 16/213-6a, là où le Vidyâ est transcrit de façon inversée. Il est constitué de trente-neuf syllabes et demi, comme suit :

     OM AGHORE HRÎH PARAMAGHORE HUM GHORARÛPE HAH GHORAMUKHI BHÎMABHÎSANE VAMA PIBA PICA HE RU RU RA PHAT HUM HAH PHAT

             Le mantra de Parâparâ selon le KMT 18/4-24 est constitué de quarante-deux syllabes et demi. Il est indiqué dans le code de Shabdarâshi comme suit :

       AIM AGHORE HRÎM PARAMAGHORE HÛM GHORARÛPE HSAUM GHORAMUKHI BHÎMABHÎSANE VAMA VAMA PIBA PIBA HAH HE RU RU RA RA HRÎM HRÛM PHAT

                Le mantra d’Aparâ selon le 30/20cd est HRÎH HÛM PHAT. Selon le KMT 18/26 il est constitué de sept syllabes et demi, comme suit : HE PA HA RU PHA PHAT. Le KMT 18/28b-29 en propose une variante (bheda), à savoir, AIM HRÎM HRÛM PHREM HÛM PHAT.

             Même si les trois mantras présentent, selon l’une ou l’autre source, des variations significatives, nous pouvons dire à propos de l’un et l’autre des deux premiers mantras, Parâ et Parâparâ, ce qu’Abhinavagupta dit à propos d’Aparâ, à savoir que « même si c’est la même chose, au fond, il se présente lui-même de différentes manières » (30/28a).

40.   devataih pûjitâ nityam brahmacaryâparâyanaih |

        Siddhayogeshvarîkhayâtâm shrîkujâkhyâm namâmy aham ||

        Je salue la vénérable (déesse) appelée Kujâ qui est connue comme Siddhayogeshvarî, et est perpétuellement adorée par (toutes) les déités et ceux qui ont la vocation du célibat. (KuKh [Kumârikâkhanda de Manthânabhairavatantra] 5/82)

N 42 43 44
N 45 46
N 47
N 48 49 50
Svacchandabhairava

Bhairava

Bhairava

Bhairava
École Pahari, XVIIIe s. Acquis en Inde par A. K. Coomaraswamy avant 1916.
(
Museum of Fine Arts, Boston)

41.   vishaeshv eva samlînâm adho ‘dhah pâtayanty anûn |

        rudrânûn yâh samâlingya ghorataryo ‘parâs tu tâh ||

        mishrakarmaphalâsaktim purvavaj janayanti yâh |

        muktimârganisrodhinyas tâh syur ghorâh parâparâh ||

        pûrvavaj jantujâtasya shivadhâmaphalapradâh |

        parâh prakathitâs tajjñair ahorâh shivashaktayah ||

        (MV [Mâlinîvijayottaratantra] 3/31-3)

 

               Les (énergies) de Ghoratarâ, qui sont les plus "non-suprêmes" (aparâ), embrassent les âmes de Rudra (c’est-à-dire individuel). Ayant fait cela, elles jettent (ces) âmes individuelles qui sont attachées aux objets du sens jusqu’à des niveaux de plus en plus inférieurs.

            De la même manière, celles qui occasionnent le fait que (les âmes individuelles) sont attachées aux fruits du mélange des (bonnes et mauvaises) actions et obstruent la voie vers la délivrance, sont les "suprêmes et non-suprêmes" (parâparâ) (énergies appelées) Ghorâ.

               Ces énergies de Shiva qui, comme avant, octroient les fruits de la demeure de Shiva aux êtres vivants sont réputées être les "suprêmes" (parâ), celles que ceux qui savent (appellent) Aghorâ.

             Selon Abhinavagupta, les trois déesses Parâ, Parâparâ et Aparâ correspondent respectivement aux pouvoirs de la Volonté, de la Connaissance et de l’Action. Elles génèrent ces trois catégories d’énergie, l’Aghorâ, Ghorâ et Ghoratarâ qui agissent de cette manière (voir TÂ [Tantrâloka] 3/71b-5a, 3/102b-4a).

42.   ghorâ ghoratarâghorâ ghorajñânâvalambinî |

        Nityayuktâ svacakrasthâ shrîkujâkhyâm namâmy aham ||

        (KuKh [Kumârikâkhanda of the Manthânabhairavatantra] 5/79)

43. TÂ (Tantrâloka) 29/211b-2a.

44.Voir l’édition du Kubjikâmatatantra (KMT) par T. Goudriaan et J.A. Schoterman. L’appendice V de cette édition contient une étude des différences significatives entre les chapitres 4 à 6 du KMT et les chapitres 3, 6 et 8 du Shrîtantrasadhâva. Il y a trois manuscrits du Shrîtantrasadhâva, tous sont conservés au Népal. Ce sont le NAK 5/445 (1097 apr. J.-C.), 1/363 et 5/1983. J’ai déjà établi la priorité dans le temps des déesses du Trika par rapport aux Tantras de Kubjikâ dans M. S. G. Dyczkowski, The Doctrine of Vibration, pp. 83-85, Albany, 1987. 

45. Voir N. R. Bhatt concernant les mantras des cinq faces de Sadâshiva (Rauravâgama, p. 22, Pondichéry, 1961).

46. W. J. Arraj a examiné longuement l’histoire et la structure du Svacchandatantra, le texte de base du culte de Svacchandabhairava, dans sa thèse de doctorat. Voir la bibliographie. Il distingue différentes strates dans l’histoire du Svacchandatantra. Ce sont : 1) les préceptes et la pratique shrauta et smârta ; 2) Rudra : plus précisément une partie du Shatarudrîya a fourni la formule de Bahurûpa de Svacchandabhairava sakala, utilisé dans les rituels principaux tout au long du Tantra (W. J. Arraj, The Svacchandatantram : History and Structure of a Saiva Scripture, p. 31, Chicago, 1988) ; 3) la contemplation védique méta-ritualiste et ascétique. Cela inclut la méditation sur OM (pranava) et les rituels intériorisés concentrés sur le souffle vital; 4) les Shâstras brahmaniques : W. J. Arraj voit des similitudes dans la théorie implicite du langage avec Bhartrihari. D’autres Shâstras incluent la logique, l’astrologie et la médecine. Leur présence n’est cependant pas très importante ; 5) les écoles philosophiques (darshana) : il s’agit surtout du Yoga et du Sâmkhya qui ont eu une forte influence sur le texte ; 6) les épopées et les Purânas : l’influence des Purânas se sent particulièrement dans la formulation des cosmologies ; 7) le Pañcarâtra de Vishnu : sa contribution a peut-être été la modification de la cosmologie du Samkhya à travers l’addition de Mâyâ dans [l’exposition de la production de la manifestation] ; 8) Pashupata : cela inclut ce qu’Arraj a listé séparément comme « Rudra » ; 9) Shiva : ce groupe qu’Arraj identifie, à juste titre je crois, avec le Shaivasiddhânta. W. J. Arraj et M. S. G. Dyczkowski (op. cit., p. 139, n. 24, 1987) montrent que Brunner-Lachaux, dans ses longues notes pour sa traduction du Somashambhupaddhati, fait souvent référence au Svacchandatantra, en particulier dans la section concernant l’initiation dans la partie 3, et le compare longuement avec les affirmations du Siddhântâgamas et ses commentateurs.

47. Les Newars Kaula rendent un culte indépendant à Svacchandabhairava. Mais, son rôle le plus important est comme consort de Kubjikâ. Par exemple, il apparaît dans ce rôle lors du sacrifice du feu de Bhairava appelé Bhairavâgniyajña. Dans ce contexte il est adoré comme Shikhâsvacchandabhairava. Dans cette forme, il est le consort de Kubjikâ lorsqu’elle est adorée avec ses déesses qui sont ses suivantes (dûtî) et les incarnations des six branches de son mantra. En dehors des innombrables références des liturgies newars, quelques références à cette forme de Svacchandabhairava a été retrouvée dans des inscriptions. Je remercie Nûtan Sharmâ pour me l’avoir signalé. Même au niveau scripturaire initial, quand le Tantra était compilé, Svacchandabhairava servait d’intermédiaire entre le doux Shadâshiva du Siddhânta et le féroce Bhairava des Tantras de Bhairava. Par la suite, au cours du développement de ses liturgies chez les Newars, il devint l’identité ésotérique de Pashupati. Rétrospectivement, on pourrait se risquer à dire que l’identification était déjà une possibilité ouverte dans le Svacchandatantra. Arraj observe de nombreuses influences pashupata dans la formation du culte au niveau scripturaire (W. J. Arraj, op. cit., pp. 40-46, 1988). Ce qui est particulièrement important, je dirais, c’est la ressemblance étroite dans l’identité des cinq faces de Svacchandabhairava  avec celles de Pashupati, d’une part, et de Shadâshiva des Siddhândatâgamas, d’autre part. Ainsi ce culte, qui est vraiment très important pour le Shâktisme newar, comble l’écart entre Pashupati et Sadâshiva d’un côté et d’un autre côté sert d’intermédiaire entre les cultes tantrique Bhairava et Kaula. Le résultat net est que, en tant que consort de Guhyakâlî qui est adorée en secret comme un aspect de Kubjikâ (voir supra, n. 39), Pashupati est adoré en secret comme Shikhâsvacchandabhairava conjointement avec Kubjikâ.

[48. Cf. Marc Brion, « Le secret des “Cinq Makâras” », n. 42, Cahiers de l’Unité, n° 3, 2016.]

49. Nous avons déjà observé la façon dont le Kubjikâmatatantra (KMT) a investi le culte de Guhyakâlî. Voir aussi infra.

50. La déesse Kâmeshvarî est connue du KMT. On dit qu’elle réside à Kâmarûpa où Kubjikâ la rencontre dans son parcours « colonisateur » du sous-continent indien décrit dans le chapitre 2. Ce qui suit est un résumé du passage concerné. La déesse se rend à un endroit appelé Kâmika. S’y trouve une rivière du nom de Ucchushmâ qui est dans la forêt de Mahocchushma. Il y a là un lac qui porte le même nom et un autre appelé Nîla. La déesse est enchantée par les rives des deux côtés (de ces lacs ?). À nouveau, la déesse (Kubjikâ), dont les membres sont l’univers et les principes de l’existence, voit une déesse qui « s’enorgueillit du plaisir de la fond et fait fondre les trois mondes avec (son) désir. » En la voyant la Mère sourit et lui demande qui elle est, et comment elle est arrivée là. Elle l’appelle « la Passionnée » et lui est reconnaissante de lui avoir montré toutes ces merveilles. Elle lui dit qu’elle devrait être appelée Kâmeshvarî car de cette façon elle a obtenu le fruit de la béatitude de la passion. La forme de la passion (kâmarûpa) a été façonnée avant elle, à partir de la compassion, et ainsi, ce siège très sacré (là où la déesse Kâmeshvarî réside) qui est appelé Kâmarûpa s’incarnera pendant l’Âge de Kâlî. Son parèdre sera Chandrânanda. Il siègera sur les épaules du Vent. Passionné, il sera Kâmadeva (KMT 2/82 – 94). Le culte de Tripurâ a incorporé l’identification de Kâmeshvarî avec l’ancien prototype de Tripurâ si bien que la plupart des initiés du culte de Tripurâ seraient incapables de distinguer les deux. L’ancienneté relative du culte de Kubjikâ par rapport à celui de Tripurâ est, je crois, bien illustré par l’apparition de Kâmeshvarî dans ce passage sans aucune référence ici ou ailleurs à Tripurâ, sa forme développée postérieure. Le silence constant, d’un bout à l’autre des Tantras de Kubjikâ ultérieurs, devient remarquablement éloquent quand nous observons l’apparition des rituels centrés sur Tripurâ, sous la forme de Tripurâbhairavî, dans le Yogakhanda du Manthânabhairavatantra. Tripurâ apparaît aussi dans le CMSS (Ciñcinîmatasârasamuccaya), un Tantra de Kubjikâ relativement tardif, comme la déesse de la Transmission du Sud (dakshinâmnâya) où son identité avec Kâmeshvarî est évidente (voir Dyczkowski, op. cit., p. 71, 1987).

 

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