Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
PLAN
La réalisation prophétique majeure
Les saints héritiers
Le Sceau de la Sainteté muhammadienne : Ibn ‘Arabî
La réalisation prophétique majeure
En perspective islamique, il est évident que cet état d’accomplissement de l’Identité suprême est déjà le privilège du Prophète, qui est l’archétype éminent de toute réalisation spirituelle intégrant l’ensemble des modalités de la voie. Tout en exprimant la réalité de cette station ultime lors de son Ascension nocturne, le Qâba Qawsayn est ainsi le symbole suprême de sa constitution métaphysique, qui est celle de l’Homme universel parfait par excellence (al-Insân al-kâmil al-akmal) (1).
Dans sa Prière sur le Prophète, Ibn ‘Arabî fait ainsi allusion à plusieurs reprises au symbole des Deux Arcs :
« Sur celui dont tu as fait voyager le corps en état de veille, de la Mosquée Sacrée à la Mosquée Éloignée de sorte qu’il atteignit le Lotus de la Limite ;
Et sur celui qui monta jusqu’à “la distance des Deux Arcs ou Plus-Près”de sorte que son cœur voyant se délecta par Ta Vue là où il n’y a ni Matin ni Soir ».
D’autres vers réfèrent à ce même symbolisme, sur lesquels nous reviendrons par la suite : deux font allusion au « Confluent des Deux Mers », un autre à une interprétation relative à l’Unité et l’Unicité, et un dernier au rapport du point central et de la circonférence.
Dans ses commentaires de ce texte capital en la matière, Michel Vâlsan affirme sa connaissance et sa maîtrise du sujet par l’expression synthétique de ses remarques concises et pertinentes qui confirment ce qui précède. À propos du vers cité concernant le passage relatif à « la distance des Deux Arcs ou Plus-Près », il écrit que « La distance de Deux Arcs (Qâba Qawsayn) indique la proximité des deux moitiés d’un cercle séparées par un diamètre. Ce cercle est celui du Tout Universel, la moitié supérieure correspondant au domaine principiel (el-Haqq) et la moitié inférieure à la manifestation (el-khalq). Le Prophète représente alors le diamètre. Une autre traduction de l’expression qâba qawsayn permet de considérer le Prophète comme la “mesure des Deux Arcs”, ce qui est une forme de l’affirmation que l’Homme Universel est la mesure de toute chose. Le terme “ou Plus Près” indique le passage au-delà de la dualité des Deux Arcs, dans l’Unité indistincte du cercle » (2). Quant à la fin du vers : « là où il n’y a ni Matin ni Soir », elle fait référence à la parole de Bistâmî que nous avons déjà citée, et qui fait allusion à la Non-Station des Muhammadiens qui ont atteint la Station de la Proximité (3).
Dans un autre texte, M. Vâlsan donne des indications complémentaires dans le même esprit : « {II (Muhammad) fut à la distance de deux arcs (d’un cercle) ou plus près}. Les Deux Arcs étant conçus comme contenant les deux moitiés d’une “forme” circulaire, le diamètre pourrait correspondre à une jonction par contiguïté, ou, initiatiquement, à une réalisation du type “unitif” (ittihâd), ce qui constitue une conception critiquée généralement pour autant qu’elle évoque l’“union” de deux natures distinctes ; la mention “ou plus près” signifie alors le dépassement sûr de la dualité et correspond donc à l’identité pure (wahdah, tawhîd), ce qui peut s’entendre d’ailleurs aussi bien de l’unicité du point central ordonnant toute la circonférence, que de l’unité indivisible du cercle entier » (4). Cette interprétation doit être rapprochée d’un autre vers de La Prière sur le Prophète qui identifie Muhammad au « Centre du Contenant de l’Intérieur et de l’Extérieur ».
Ces diverses allusions mettant en avant l’idée de « mesure de toute chose » au moyen du diamètre des « Deux Arcs » du « cercle du Tout Universel » opérée par l’Homme universel prophétique prennent un relief particulier dans ce contexte de la « géométrie sacrée » inhérente à ce symbole coranique, et nous devrons y revenir par la suite.
Les prophètes antérieurs
Nous avons vu que la tradition islamique reconnaît bien évidemment l’Identité suprême des prophètes antérieurs lors de leur ascension spirituelle, ce qui est une manière d’affirmer le principe de validité et de légitimité des formes traditionnelles et de leurs moyens de réalisation initiatique des états multiples au plus haut degré. De ce point de vue, conformément à la Parole coranique, {Nous ne faisons pas de différence entre eux (les prophètes)}, ni {entre les envoyés} (5). Mais simultanément, selon un autre point de vue ...
Jean-François Houberdon
(À suivre)
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Pour citer cet article :
Jean-François Houberdon, « Qâba Qawsayn, la distance de Deux Arcs », Cahiers de l’Unité, n° 17, janvier-février-mars, 2020 (en ligne).
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