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ÉDITORIAL René Guénon

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Louis XVI

Une vésanie française : la Révolution 

        De tous les évènements mondiaux de ces derniers siècles, c’est la Révolution française qui a exercé l’influence la plus déterminante et la plus malfaisante sur toutes les révolutions survenues dans le monde (1). Elle est le lever du Soleil noir au crépuscule du monde. Si ce soleil est noir, c’est que sa ténèbre éteint la lumière de l’intellect, et si son lever est rougeoyant, c’est qu’il fait verser à gros bouillons le sang des hommes. Il faut aux Français d’esprit traditionnel une belle force d’âme et ne point craindre le chagrin pour endurer chaque année, au mois de juillet, par une fête instaurée en 1880, le spectacle si pathétique de leurs compatriotes à qui l’on fait célébrer, par tromperie, la perdition dans laquelle ils ont été plongés, là où il n’y a plus ni salut ni délivrance. 
        Dans la seconde et dernière partie de son texte sur le Mystère de la France, M. Benoît Gorlich, récuse autant les réactionnaires qui aspirent illusoirement à un retour au passé que la légitimité du pseudo-royalisme des milieux nationalistes, tous entachés de manière indélébile par un modernisme post-révolutionnaire. Son étude se situe résolument et totalement en dehors de la politique. La signification véritable de la Révolution française qu’il nous livre ici appartient en réalité à un domaine qui n’est ni politique (elle n’est pas que la négation du pouvoir royal comme elle le prétendait) ni social (ceux qui la conduisirent ne furent que des instruments) ni économique (malgré le triomphe de la bourgeoisie à laquelle elle aboutit).
       M. Gorlich montre qu’à la suite d’un cheminement souterrain et complexe dont seule la doctrine traditionnelle peut réellement rendre compte, elle correspond à une ingression d’influences infra-humaines destinées à accomplir l’envers du rôle traditionnel de la France, c’est-à-dire en vue d’assurer son avilissement, sa contre-mission et le rayonnement pestilent de celle-ci. Elle marque ainsi le début de la rupture de la France avec le Principe suprême dans la forme qui lui avait été dévolue providentiellement, à savoir le Christianisme, rupture qui devait engager en réalité l’Occident tout entier. Cette rompure qui débuta en 1789 fut définitivement consommée cent seize ans plus tard. La Révolution et son train, marchant toujours dans le bruit, la fureur et le mensonge, avaient triomphé. Au même moment, et au même endroit, dans le plus grand silence, immobile et ignoré de tous, René Guénon reçut alors de l’Orient traditionnel l’investiture sacrée qui faisait de lui le mandataire de la conscience traditionnelle et initiatique de façon universelle. Sa « seule raison d’être » disait-il dans une lettre. Le temps de la politique était fini, s’ouvrait celui des temps de la fin, commençait la seconde mission de la France.

 
Le Cor de la Fin des Temps          
         
       C’est ce temps nouveau qu’annonce inlassablement le Shofar de la tradition hébraïque et qui trouvera sa forme finale dans le Souffle du Cor dont traite ici M. Houberdon dans la première partie de son étude. Ce Souffle du Cor est aussi celui de l’Esprit dans les formes traditionnelles encore vivantes pour que s’accomplisse cette double action transformatrice et vivificatrice, shivaïte et vishnouite pourrait-on dire, qui permettra la manifestation de la Tradition finale.

Les illusions perdues du néo-spiritualisme
 
      Après la seconde partie de l’article de Coomaraswamy – qui touche, lui, à la protologie (jâta-vidyâ) par de riches aperçus sur les formes originelles et fondatrices des choses –, c’est encore M. Gorlich qui nous offre une remarquable et édifiante présentation de la biographie de Mirra Alfassa. On sait que celle-ci joua, malheureusement, un rôle aussi fondamental que délétère dans l’ashram de Srî Aurobindo. C’est la toute première fois, croyons-nous, qu’est publié un texte qui la concerne à partir du point de vue strictement traditionnel ; lequel est évidemment tout à fait en dehors de ce nuage opaque qui caractérise les illusions néo-spiritualistes, nuage surtout toxique qui a aveuglé, égaré et empoisonné tant de bonnes volontés.
         On y découvrira des mises au point et des éclaircissements d’un intérêt de premier ordre, que ce soit sur le rôle de Max Théon et de son « Mouvement cosmique », sur la fonction régissante de Srî Aurobindo, et sur son désaveu final de celle qu’il avait initialement désignée.  
       
Le Japon anti-traditionnel
 
        Il nous faut dire un mot à propos du Japon, puisqu’il est également question dans le texte de M. Gorlich de son rôle anti-traditionnel à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle en Extrême-Orient, rôle sans doute aussi maléfique, quoique beaucoup moins idéologique, que celui de la Révolution française. On se souvient que, dès son premier livre, Guénon avait émis de sérieuses réserves sur la qualité traditionnelle du Japon dans l’ensemble des civilisations orientales. Il en donnait pour preuve son tropisme à l’imitation et son empressement a accueillir le prétendu « progrès » occidental.
        En 1924, dans Orient et Occident, il disait que ces défauts venaient du fait que les Japonais sont surtout un peuple guerrier. Les admirateurs de la société nippone, fascinés par son esthétisme raffiné, qu’on ne peut d’ailleurs lui dénier, et son ordonnancement si policé, n’ont bien entendu guère apprécié ces remarques. Ils ont même pensé que Guénon avait tort. Ils verront alors dans le texte de M. Gorlich, qui attire l’attention sur un membre important de la « contre-initiation », l’ancien samouraï Tôyama Mitsuru (2), que les influences infra-humaines que nous évoquions au début n’ont pas épargné le Japon.

R 1
R 2
le 7e ange sonna de la trompe Ap. XI, 15.

« Le septième ange sonna de la trompe. Et il y eut dans le ciel de fortes voix qui disaient : “Le royaume du monde est remis à notre Seigneur et à son Christ ; et il régnera aux siècles des siècles.” » (Ap., XI, 15)

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Julien Arland

Directeur littéraire

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Notes
ténèbre en japonais

1. Cf. Tamara Kondratieva, Bolcheviks et Jacobins, Paris, 2017 ; Alexandre V. Tchoudinov, « Le culte russe de la Révolution française », Cahiers du monde russe, t. 48, n° 2-3, 2007 ; François Furet, La Révolution française. De Turgot à Jules Ferry, 1770-1880, Paris, 1988 ; Marianne Bastid, « L’ouverture aux idées d’Occident : quelle influence de la Révolution française sur la révolution républicaine de 1911?, Extrême-Orient, Extrême-Occident (Numéro thématique : L’idée révolutionnaire et la Chine : la question du modèle), n° 2, 1983 ; Ke Gong, La portée de la Constitution en France et en Chine. L’enchantement et le désenchantement du constitutionnalisme révolutionnaire, Université Panthéon-Assas, 2014.

 

2. Pour une première vision d’ensemble de l’histoire du Japon au XXe siècle, voir Jean Lequiller, Le Japon, Paris, 1966. Sur Tôyama, cf. pp. 290-291.

citation

Pour citer cet article :

Julien Arland, « Éditorial », Cahiers de l’Unité, n° 26, avril-mai-juin, 2022 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2022

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