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Le symbolisme de la nature

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Couleurs d’automne sur les montagnes Qiao et Hua

(une section du rouleau de papier), Zhao Mengfu, 1295. Encre sur papier, 28 x 90 cm. Taipei, Musée du Palais.

Dans l’ancienne peinture chinoise le peintre, qui est également considéré comme un sage, diffuse les principes à travers la représentation des quatre thèmes traditionnels, à savoir le paysage, les animaux, les fleurs, les plantes et, à l’occasion, les portraits. Cependant, malgré cette pluralité de sujets, la peinture chinoise, qui vise à saisir la réalité dans son essence la plus intime, préfère les représentations du monde naturel. En outre, cet art se caractérise également par un lien étroit avec la calligraphie, qui est utilisée pour enrichir les surfaces des tableaux de poèmes, de passages et de réflexions. Cette fusion de la peinture et de l’écriture a pour rôle de révéler les secrets de la réalité représentée.

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Saint François au désert

Giovanni Bellini, v. 1485. Tempéra et huile sur bois, H. 124, 4 cm. Frick Collection

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     Les études sur le symbolisme ont généralement trait à son aspect le plus directement lié à la tradition, donc le mieux mis en évidence. Cet aspect est aussi, en un sens, le plus important en raison des privilèges qui lui sont inhérents, puisqu’il est constitué par l’ensemble des signes adoptés par chacune des organisations pour transmettre la connaissance qu’elle détient, et accomplir les rites qu’elle perpétue. Il s’agit là de symboles élevés au rang de supports spirituels effectifs, qui peuvent revêtir l’apparence de réalités « abstraite », telles que les figures géométriques et les nombres, d’éléments naturels, tels que l’eau, la pierre, le feu, ou de produits modifiés par l’homme, tels que le pain, le vin, l’huile, et de nombreux objets façonnés. Cependant, le domaine du symbolisme inclut la nature tout entière, qu’elle soit envisagée sous sa forme « abstraite » ou « concrète », que ses constituants soient ou non retouchés par la main humaine. 
       Car toute apparence est un symbole, en tant que cause d’un effet qu’elle reflète, ou production d’un principe qui lui confère son essence. (1)      
       Le symbole n’est pas l’image vague et conventionnelle de quelque autre réalité, que la littérature désigne parfois abusivement par ce terme, lequel ne doit être entendu que dans un sens précis et inaliénable : la chose symbolisée détermine l’existence même de son symbole. Un arbre n’est pas le symbole de l’Axe du Monde, et de l’univers que ce dernier suscite, parce que sa structure se prête à l’évocation de ces réalités. Mais c’est au contraire en vue de symboliser la Présence divine et sa manifestation, que l’arbre revêt une telle forme; il n’existe que parce qu’il participe, sur le plan terrestre, à la vérité qu’il suggère ; et, d’un point de vue essentiel, il est cette vérité manifestée sur la terre. (2) Cette perspective, radicalement différente de la perspective profane, est la seule logique : ici, ce qui est symbolisé est toujours d’ordre supérieur à ce qui le symbolise, car le premier est, à un degré plus ou moins élevé, l’archétype ou le principe du second.
       L’Essence divine constituant la seule réalité profonde des créatures, et leur seule raison d’être, celles-ci ne peuvent pas ne pas refléter, même dans leur existence séparée, un aspect divin. « Celui qui n’a pas dans son Essence la racine de son existence, dit Abou Madyan, son existence, sans Lui, est radicalement impossible ». Le symbolisme est cette relation nécessaire. C’est la forme visible du lien profond qui unit la cause à son effet, le principe à sa production. En ce sens, tout est sacré. Ceci explique le culte voué aux symboles naturels, culte qui s’adressait à l’Essence divine des choses, et non à leur apparence éphémère, et ne devint de l’astrolâtrie, par exemple, que par dégénérescence, tout comme le culte des images de la Divinité devint parfois de l’idolâtrie. (3)        
        L’homme primordial avait un sens inné de ce symbolisme, qui lui apparaissait, non comme quelque chose de surajouté, mais comme le caractère immortel de la nature. Lui qui était fait à l’image de Dieu, et qui pouvait nommer tous les animaux, décelait cette image divine d’une manière intuitive et spontanée, de même que quelques-uns des hommes de ce temps la découvrent encore parfois, mais d’une façon moins directe, plus voilée, lors d’un instant privilégié, dans l’appel poignant d’un chant d’oiseau, dans la beauté parfaite d’une simple fleur des champs.     
   
               Adam fut chassé du Jardin. À mesure que la chute s’accélérait, que la fuite de l’Eden devenait plus rapide, la nature véritable se retirait de plus en plus à l’intérieur, masquant peu à peu aux hommes sa réalité profonde. Ne saisit-on pas par là pourquoi les « légendes », dont les mythes nous enseignent...  



                                                                                                        Jean-Louis Grison
     
        



1. « La nature tout entière n’est qu’un symbole des réalités transcendantes », cf. R. Guénon, Le Symbolisme de la Croix, page 38.
2. On comprend comment un arbre peut être dit beau, et un autre moins beau. La définition platonicienne du Beau comme splendeur du Vrai s’avère ici évidente.
3. Ce que les sociologues et les « historiens des religions » appellent l’« animisme », semble bien être aussi une dégénérescence de ce genre, quand il ne s’agit pas là de valeurs spirituelles authentiques, et incomprises. Nous pensons ainsi au culte des nymphes, et des génies de la nature dans l’Antiquité. Rappelons, à la suite de R. Guénon, qu’il n’y a place, ici, pour nulle interprétation panthéiste, car si Dieu est nécessairement l’Essence profonde des créatures, il y a irréversibilité, et celles-ci ne sont pas Dieu : leur imperfection de « surface » le leur interdit.
4. La Jérusalem céleste... 

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