Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
ÉDITORIAL René Guénon
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Le symbole du Dzogchen est la lettre tibétaine A. (Tsakli, carte initiatique) La pratique du A blanc joue un rôle considérable dans les cycles d’instructions de la Grande Perfection (Dzogchen). (Cf. L’Éclaircissement Sublime des Principes du A Blanc par Khenpo Karma Ratna, trad. du tibétain et commentaires par Jean-Luc Achard, Ed. Khyung-Lung, 2014)

Grâce à la judicieuse intervention d’un fidèle lecteur de la revue, que nous remercions encore ici, nous sommes heureux d’accueillir dans cette première livraison de notre dixième année de publication une étude de M. Jean-Luc Achard. Elle consiste en une introduction aux arcanes de la plus haute des voies ésotériques du Bouddhisme tibétain et de la tradition Bön, le rDzogs chen ou « Grande Perfection » (1). Cette voie initiatique secrète, transmise de l’Inde au Tibet aux VIIIe et IXe siècles, est la plus directe et la plus profonde vers la bouddhéité. Au XIVe siècle, Longchenpa, grand maître spirituel et codificateur des enseignements Dzogchen nyingmapa, la qualifiait de «véhicule insurpassable » (2).
À partir des doctrines et des méthodes traditionnelles de cette voie de l’école Nyingma – la plus ancienne du Bouddhisme tantrique fondée par Padmasambhava –, M. Achard en expose les principes théoriques et yogiques fondamentaux (3). La réception des initiations correspondantes (དབང་།, abhisheka) – toujours accessibles de nos jours et préalables à toute pratique –, et l’application de ces principes au cours de réclusions solitaires offrent la possibilité de l’Éveil suprême dans cette vie ou de manière différée (au moment de la mort ou dans les états posthumes), c’est-à-dire la réalisation de l’« état primordial » ou des différents états supérieurs qui le précèdent, voire la Délivrance pour reprendre le lexique technique établi par René Guénon.
M. Achard, auteur d’une soixantaine de livres (4), est un des plus importants spécialistes français du Dzogchen tel qu’il s’est développé dans les écoles rNying ma pa et Bön po du Tibet. Parmi ses travaux sur le sujet, citons notamment : Les Testaments de Vajradhara et des porteurs-de-science (1995) ; L’essence Perlée du Secret (2000) ; Le Docte et Glorieux Roi, Commentaire de Peltrül Rinpoche sur le Testament de Garab Dorje (2001) ; L’Aube du Discernement (2009) ; Histoire Abrégée du Dzogchen Nyingmapa (2012) ; La Transmission Orale de Padmasambhava (2014), etc. Il dirige actuellement la Revue d’Études Tibétaines qui est en libre accès sur internet ; il est aussi le créateur d’un « Dzogchen wiki » (2 239 articles en cours) que l’on peut consulter également sur internet.
Avec la seconde étude de ce numéro, nous restons en quelque sorte dans les Tantras avec la traduction d’un texte que nous propose M. Marc Brion qui s’inscrit dans le rapport de complémentarisme et de polarité traditionnelle entre l’Hindouisme et l’Islam. C’est une étude tout à fait unique qui présente une méthode initiatique de nature « tantrique » découverte dans le Soufisme indonésien par le regretté Vladimir Braginsky.
Par manque de place et pour éviter de scinder ces deux études, la suite de la lecture alchimique de la Divine Comédie par M. Balcus et le compte rendu de M. Guyot sur le livre dirigé par M. Ringgenberg et Mme Houman (René Guénon, Frithjof Schuon : Héritages et controverses) sont renvoyés à un numéro ultérieur.
Julien Arland
Directeur littéraire
1. L’expression Dzogchen (rDzogs chen) – dzogs : parfait, perfection ; chen : grand – signifie « Grande Perfection ». Il ne s’agit pas d’une éventuelle « grande complétude » dans la mesure où le choix lexical de « complétude » est susceptible d’impliquer que l’état décrit par le Dzogchen est incomplet. Or, cet état est parfait tel qu’il est, atemporellement. Il n’est sujet à aucune fluctuation, à aucun changement visant à faire de lui quelque chose de « complet » (dans l’éventualité de son absence de complétude). D’ailleurs, le terme tibétain rdzogs ne signifie jamais « complet » mais répond à deux acceptions génériques : 1) fini ou 2) parfait. Dans la mesure où l’état désigné en tant que Dzogchen n’est pas une entité statique en laquelle tout serait « fini » ou « terminé », le seul choix correct qui s’offre à la traduction est celui de « perfection ». Le Dzogchen lui-même correspond à : 1) l’état naturel de l’individu, 2) le neuvième véhicule ou Atiyoga, 3) le corpus littéraire des instructions de la Grande Perfection (associé au numéros 2, et 4) le fruit de l’Anuyoga. (Notes de M. Achard, Dzogchen wiki)
2. Longchenpa (1308–1364) est considéré comme une émanation de Mañjushrî, le bodhisattva de la sagesse et de Vimalamitra. Après une retraite de huit mois dans l’obscurité complète, il fit la rencontre de son maître-racine en la personne de Kumarâdza (1266–1343). C’est de ce maître qu’il reçut toutes les consécrations de l’Essence Perlée du Secret (gSang ba snying thig), le plus important corpus d’instructions Dzogchen de la tradition Nyingmapa, ainsi que l’intégralité des instructions orale qu’il mettra en pratique pendant trois ans. Sa pauvreté était telle qu’il ne pouvait même pas payer les droits d’accès aux transmissions de son maître, au point que celui-ci informa ses propres disciples qu’il paierait lui-même les offrandes pour Longchenpa. L’édition actuelle des Œuvres Complètes de Longchenpa (Klong chen gsung ‘bum) comprend 26 volumes. (Cf. J.-L. Achard, L’Essence Perlée du Secret, Brepols, 1999 ; Les Thèmes des Dix-Sept Tantras, éd. Khyung-mkhar, 2013 ; Le Pic des Visions, Mémoire de l’ÉPHÉ, 1992 ; Les Testaments de Vajradhara et des Porteurs-de-Science, Les Deux-Océans, 1995 ; L’Aisance de la Concentration – I & II, Éd. Khyung-Lung, 2015 & 2017 ; La Roue de la Claire-Lumière du Jour et de la Nuit, Lama Yangtik, vol. I, Éd. Khyung-Lung, 2017 ; La Transmission Orale Mineure de la Grande Perfection, Lama Yangtik, vol. II, Éd. Khyung-Lung, 2018 ; Philippe Cornu, Longchenpa, la liberté naturelle de l’esprit (préface de Sogyal Rinpoché), Seuil, « Points Sagesses », 1994 ; Le Miroir du cœur, tantra du Dzogchen, Seuil, « Points Sagesses », 1995 ; Longchenpa, De la Base originelle et de ses manifestations dans le Dzogchen, Extraits des Sept Trésors (mDzod bdun), Présentation et traduction Philippe Cornu, Éd. Rangdröl, 2024 ; Stéphane Arguillère, Profusion de la vaste sphère, Longchenpa, sa vie, son œuvre, sa doctrine. Peeters Publishers, Louvain, 2007)
3. Le rDzogs chen est l’un des trois « yogas intérieurs » qui sont un ensemble de trois classes de Tantras formé par le Mahâyoga, l’Anuyoga et l’Atiyoga. On parle ainsi généralement des « trois Tantras internes » (nang rgyud gsum) comme faisant référence à ces groupes textuels. D’une manière générale : 1) les Tantras du Mahâyoga sont principalement basés sur la Phase de Développement (bskyed rim), 2) les Tantras de l’Anuyoga s’appuient essentiellement sur la Phase de Perfection (rdzogs rim), et 3) les Tantras de l’Atiyoga sont définis comme « au-delà des Phases de Développement et de Perfection » (bskyed rdzogs las ‘das pa).
Toutefois, il faut remarquer que : 1) les textes de pratique du Mahâyoga présentent une Phase de Perfection correspondant souvent à une phase de dissolution des visualisations au sein de la Vacuité ; 2) les textes de pratique de l’Anuyoga présentent une Phase de Développement non graduelle, conçue comme parachevée « dans la perfection d’une évocation » (skad cig dran rdzogs su) ; et 3) les textes de pratique de l’Atiyoga n’excluent en aucune manière d’éventuels usages de points-clefs (gnad) relevant des deux Phases (rim gnyis). On distingue ce groupe textuel des Tantras extérieurs (phyi‘i rgyud) qui correspondent aux Kriyâtantras, Upâyatantras, et Yogatantras. (Notes de M. Achard, Dzogchen wiki)
4. Cf. le blog des publications de M. Achard : https://khyungmkhar.blogspot.com/
janvier-février-mars 2025