Cahiers de l’Unité 

           C’est dans l’enseignement du Cheikh al-Akbar que l’on trouve sans aucun doute l’excellence et la maîtrise parfaite de l’expression de la doctrine de l’Identité suprême formulée par ce symbole fondamental du Qâba Qawsayn. Sans rejeter les indications traditionnelles que nous venons de rappeler, il les exprimera d’une manière différente en les intégrant dans une vision beaucoup plus vaste, et en leur donnant justement par là même une tout autre dimension, amplement plus satisfaisante sur le plan de la compréhension de leur véritable réalité métaphysique, et d’autant plus cohérente dans sa synthèse globale, tout en étant en même temps beaucoup plus proche du texte coranique.

         Nous avons également rappelé que l’affirmation théorique d’une vérité métaphysique aussi évidente que celle de l’Identité suprême, telle que l’a formulée René Guénon en des termes directs et concis par le biais de la doctrine védantine, trouvait en revanche dans son expression sémitique une forme particulièrement indirecte et elliptique. Mais outre cette constatation d’ordre général, et la nécessaire prudence dans la divulgation d’un enseignement de nature aussi ésotérique, il y a autre chose qui tient à la méthode même du “plus grand Maître” de la Science sacrée islamique, qui n’est pas qu’un maître doctrinal, mais aussi le transmetteur d’un enseignement initiatique primordial, dont il a lui-même intégralement réalisé la vérité essentielle. On sait que la formulation de ses ouvertures spirituelles reposait, selon ses propres dires, sur des modalités d’inspiration directe indépendantes de toute construction logique et méthodique individuelle, et qu’elle n’était donc pas, sinon que très rarement, l’objet d’énoncés plus ordonnés, comme dans les textes auxquels nous nous sommes référés précédemment. D’ailleurs certains écrits, spécialement consacrés au Mi’raj et annoncés comme tels par leur titre, dans lesquels on pourrait s’attendre à trouver des informations précises au sujet du Qâba Qawsayn, n’en contiennent souvent que très peu sinon aucune (1).

             Toute recherche thématique, telle que celle entreprise ici, commence donc nécessairement par un rassemblement de différents éléments épars dans son œuvre, où, malgré de nombreuses digressions, et ce qui pourrait même ressembler parfois à un certain désordre apparent, ils se trouvent ainsi providentiellement et harmonieusement disposés selon une sagesse manifestant toute la force et la subtilité qui caractérise cet enseignement spirituel majeur. Mais ce travail de synthèse ne saurait être systématique, car il dépend avant tout d’indications allusives et de rapprochements subtils suggérés par le Maître, qui constituent des points de repère de la trame architecturale cachée de sa Somme spirituelle, impénétrable par la seule voie rationnelle.

​

Doctrine du Qâba Qawsayn chez Ibn ‘Arabî

​

            Nous ne prendrons en considération que la doctrine du Cheikh concernant le Qâba Qawsayn, sans revenir sur celle concernant les étapes précédentes du Mi‘raj qui a été abordée dans les commentaires exotériques et ésotériques de la première partie de cette étude. En effet, au vu de la science immense contenue... 

​

​

Jean-François Houberdon

(À suivre)

​

​

La suite de cet article est exclusivement réservée à nos abonnés ou aux acheteurs du numéro 16 des Cahiers de l'Unité