Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
Clés pour le Mahâbhârata
218 pages, Éditions Infolio, 2015.
Dominique Wohlschlag
PLAN
Une introduction traditionnelle au Mahâbhârata
Origine et historicité du Mahâbhârata
Vyâsa ou la question de « l’auteur » du Mahâbhârata
Vyâsa et Satyavatî
Le rôle du Mahâbhârata dans la réadaptation du sanâtana-dharma
Le symbolisme de la guerre
Le Nom divin « Krishna »
Krishna et Balarâma
Krishna et Arjuna
Draupadî et ses cinq époux
Conclusion
En 2021, nous avions rendu compte de deux livres de Dominique Wohlschlag consacrés au Krishnaïsme. En réalité, M. Wohlschlag poursuit depuis plusieurs années un ample travail de réflexion autour de la geste de Shrî Krishna et de l’origine des formes actuelles de la tradition hindoue, deux thèmes entre lesquels il établit des liens étroits. Ces livres sont écrits dans un esprit traditionnel et ils nous paraissent pouvoir retenir toute l’attention des lecteurs de René Guénon, quelle que soit d’ailleurs la tradition à laquelle ils se rattachent. C’est la raison pour laquelle nous envisageons de continuer à présenter cette œuvre, en soulignant l’intérêt d’un grand nombre de remarques qu’elle contient, ainsi que les développements qui pourraient parfois en être tirés.
Une introduction traditionnelle au Mahâbhârata
C’est dans ce cadre que nous voudrions commencer par attirer l’attention des lecteurs sur un de ses ouvrages paru en 2015, Clés pour le Mahâbhârata. Tous ceux qui s’intéressent au domaine traditionnel connaissent normalement certaines généralités sur le Mahâbhârata, mais bien moins nombreux sont ceux qui peuvent en avoir une connaissance approfondie ou même une vue d’ensemble suffisamment précise. Il est vrai qu’il n’existe à ce jour aucune traduction intégrale en langue française de cette épopée monumentale qui, selon l’estimation de M. Wohlschlag, représente quantitativement environ huit fois l’Iliade et l’Odyssée réunies, ou trois fois et demie la Bible !
Il existe en revanche un nombre important de travaux de présentation ou de commentaire de ce grand texte, mais, souvent issus de l’orientalisme académique, ils tiennent rarement compte du point de vue traditionnel et envisagent toujours l’épopée à travers un prisme bien particulier qui reflète souvent davantage les préoccupations de leurs auteurs que celles des Hindous qui, aujourd’hui encore, attachent une importance spirituelle de premier ordre au Mahâbhârata.
M. Wohlschlag énumère dans son livre certaines interprétations du Mahâbhârata données par ses prédécesseurs : Georges Dumézil y découvre la «adoctrine cryptée de la structure trifonctionnelle de la société indo-européennea» ; Madeleine Biardeau y voit une « réaction de l’idéologie brahmanique face à l’expansion du bouddhisme » ; Johannes Bronkorst une affirmation de la «aprépondérance politique et idéologique d’une caste dans la réalité sociale indiennea» ; Alf Hiltebeitel considère l’épopée comme un « manuel d’éducation royale » ; Paule Lerner y décèle la « fabulation allégorique d’une mutation astrologique ».
Aucun de ces points de vue n’est entièrement faux ou dénué d’intérêt : le Mahâbhârata contient nécessairement la doctrine des varna ; pour les Brâhmana, il a pu servir d’appui à une réaffirmation des enseignements dont ils sont les gardiens face à un certain Bouddhisme dévié ; pour les Kshatriya, il est incontestablement un manuel dans leur éducation et l’exercice de leurs fonctions ; enfin, son important symbolisme cyclologique résonne forcément avec les grandes mutations astrologiques.
Pour autant, aucun de ces points de vue, que ces auteurs adoptent généralement de façon exclusive, ne permet d’appréhender le Mahâbhârata en totalité ni en profondeur. À cet égard, Dominique Wohlschlag a pleinement raison d’écrire que « si riche qu’elle soit en informations et en réflexions ingénieuses, l’approche orientaliste s’apparente trop souvent à l’étude d’un tableau de maître vu à la loupe, mais dont le thème même, la beauté de l’ensemble, passe au second plan (…) il demeure dans la littérature académique, pour qui veut comprendre le «aphénomènea» du Mahâbhârata, un manque cruel de repères théologiques, symboliques, initiatiques ou spirituels, permettant d’en saisir la richesse intrinsèque ».
L’auteur a également très bien cerné la cause de ces limitations : « Il est révélateur d’ailleurs qu’en raison de leur formation et des contraintes universitaires, les indianistes évitent soigneusement toute exégèse reposant sur une comparaison des différentes traditions religieuses toujours vivantes et que, ce faisant, ils donnent l’impression de parler d’un monde révolu. De même ils ne se réfèrent que très rarement aux éclairages que peuvent apporter sur l’épopée les sages indiens eux-mêmesa».
En effet, si le Mahâbhârata peut être rapproché de l’Illiade ou de l’Odyssée à plusieurs égards, il a avec eux une différence majeure à l’heure actuelle : il constitue l’un des textes sacrés d’une tradition qui est toujours vivante et à laquelle il sert aujourd’hui encore de vecteur d’enseignement et de transmission. L’Inde d’aujourd’hui n’est peut-être plus extérieurement la même que celle du Mahâbhârata, il n’en reste pas moins que plus d’un milliard d’Hindous continuent de vivre dès l’enfance dans l’ambiance de ce récit et à fixer leur vie et leur pratique spirituelle sur la Baghavad-Gîtâ qui en constitue la partie la plus importante sur ce plan. Si l’on veut bien prendre conscience de cela, il devient pour le moins choquant que ceux qui prétendent en Occident étudier et présenter le Mahâbhârata le fassent souvent sans se préoccuper de l’exégèse des maîtres hindous !
À l’inverse, Dominique Wohlschlag place d’emblée sa réflexion au niveau où elle doit se situer : il se demande « comment des...
Benoît Gorlich
La suite de cet article est exclusivement réservée à nos abonnés
ou aux acheteurs du numéro 29 des Cahiers de l'Unité
01. Le Livre des origines (Adi-parva)
02. Le Livre de l’assemblée (Sabha-parva)
03. Le Livre de la forêt (Aranyaka-parva)
04. Le Livre de Virata (Virata-parva)
05. Le Livre des préparatifs (Udyoga-parva)
06. Le Livre de Bhishma (Bhishma-parva)
07. Le Livre de Drona (Drona-parva)
08. Le Livre de Karna (Karna-parva)
09. Le Livre de Shalya (Shalya-parva)
10. Le Livre de l’attaque nocturne (Sauptika-parva)
11. Le Livre des femmes (Stri-parva)
12. Le Livre de la paix (Shanti-parva)
13. Le Livre de l’enseignement (Anushasana-parva)
14. Le Livre du Sacrifice du Cheval (Ashvamedhika-parva)
15. Le Livre de l’ermitage (Ashramavasika-parva)
16. Le Livre des massues (Mausala-parva)
17. Le Livre du grand départ (Mahaprasthanika-parva)
18. Le Livre de l’ascension au Paradis céleste (Svargarohana-parva)
Pour citer cet article :
Benoît Gorlich, Compte rendu du livre : Clés pour le Mahâbhârata, Dominique Wohlschlag, Cahiers de l’Unité, n° 29, janvier-février-mars, 2023 (en ligne).
© Cahiers de l’Unité, 2023
juillet-août-sept. 2024