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ÉDITORIAL

ÉDITORIAL René Guénon

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Physica Metaphysica et Hyperphysica D.O.M.A., XVIIe siècle

L’ouvrage s’ouvre sur les paroles de saint Paul dans 1 Corinthiens 2 : « Ich weiß nichts, Ich kann nichts… », et se poursuit par un résumé illustré de théosophie hermétique. Particulièrement frappantes sont les représentations en pleine page du Primum Mobile et de la Vierge céleste et terrestre, couronnée et rayonnante, présidant une table reliant « Theoria » et « Practica ». Le ton didactique est donné par le sous-titre, décrivant l’œuvre comme un « Einfältig A.B.C. Büchlein für Junge Schueler... in der Schulen des H. Geistes », et par le vers avec lequel l’ouvrage se termine : « Wilt du ein Philosophus sein So laß Gedult bey dir ziehen ein... » D.O.M.A. signifie : « Deo Optimo Maximo Altissimo ». (Cf. Manly Hall, Codex Rosae Crucis. A Manuscript of Rosicrucian Interest, now published for the first time in its original form, Los Angeles, 1938)

            Comme le savent quelques-uns de nos abonnés, nous n’avons que très peu d’articles en réserve. Ainsi, lorsque certains de nos collaborateurs souhaitent que leur texte soit publié intégralement, nous devons attendre qu’ils aient terminé leur travail, et quand ils outrepassent les délais impartis, ce retard se répercute sur la parution de la revue. C’est ce qui s’était déjà produit pour le numéro précédent. Nos lecteurs ont ainsi l’explication de la date si tardive à laquelle ils peuvent enfin prendre connaissance de cette livraison. Nous les prions de bien vouloir nous en excuser, en espérant qu’ils nous pardonneront cet atermoiement au regard de l’intérêt du texte édité.             
          Si nous avons accepté d’attendre aussi lontemps l’étude de M. Guyot, c’est qu’elle s’inscrit directement à la suite de son texte précédent consacré aux ouvrages de M. Jean Robin. Il paraissait naturel de la donner à lire exactement après celui-ci. Afin, en quelque sorte, de clore définitivement ce dossier si l’on peut dire. Il s’agit d’une présentation du roman inachevé, écrit de la main de René Guénon – ce qui ne veut pas dire qu’il en est nécessairement l’auteur – intitulé La frontière de l’autre monde. Le texte de ce roman est lui-même publié intégralement ici. Ce qui n’avait jamais été le cas, à l’exception d’une version très fautive effectuée sans discernement et sans présentation sur l’internet, laquelle ne pouvait sans doute que participer à nourrir ainsi de nouvelles divagations. 
        On se souvient que c’est sur des fragments de ce roman inachevé, qu’il ne connaissait même pas dans son intégralité, que M. Robin s’est appuyé pour soutenir, dans tous ses livres de 1986 à 2021, la thèse absurde et provocatrice d’un sens officieux de l’œuvre de Guénon selon laquelle une hypothétique « initiation noire » serait un « ultime recours ». L’attention attirée sur ce texte inédit attribué à Guénon, et les questions qu’il semblait poser, comme l’influence que pouvaient éventuellement exercer les affirmations sans cesse réitérées de M. Robin, exigeaient un examen minutieux de cette affaire
        Le travail de notre collaborateur a finalement revêtu une telle proportion que l’ensemble de ce numéro lui est consacré. En relation avec la nature de ce roman, et en rectifiant les erreurs toujours répandues et communément admises à ce propos, la différence fondamentale qui existe entre « occultisme » et « ésotérisme » y est traitée comme cela ne l’avait jamais été auparavant, semble-t-il. Dans le prolongement de l’exposition de ce point, il est montré que la mise en avant de la théosophie germanique par Antoine Faivre, au lieu d’avoir été présentée par lui en concordance avec l’enseignement de René Guénon, le fut dans une volonté d’opposition, en considérant, de manière aberrante, qu’il aurait un rôle « d’effaceur ou d’étouffeur », ainsi que dans un esprit de rejet des doctrines orientales en général et hindoues en particulier. On découvrira que c’est le « papusisme » de Faivre, c’est-à-dire sa mentalité occultiste formée dans sa jeunesse et jamais répudiée – ayant adhéré au Martinisme, il fut disciple de Robert Ambelain (1907-1997) et de Philippe Encausse (1906-1984), le fils de Papus –, qui explique son aveuglement et cette invraisemblable hostilité. Étant devenu titulaire de la chaire d’« Histoire des courants ésotériques » à la Sorbonne, on apprendra également que c’est lui, et pour la même raison, en favorisant une confusion avec l’occultisme, qui a conduit à l’échec épistémologique de l’étude de l’ésotérisme au sein de l’Université française. 
         Du côté historique et philosophique, ce sont les erreurs de MM. Jean-Pierre Laurant et Jean Borella qui sont mises en évidence à propos de l’ésotérisme. M. Laurant s’est trompé sur l’histoire et la nature du contexte qui ont vu apparaître le mot « ésotérisme » dans la langue française au XIXe siècle, tandis que M. Borella, à la suite d’Antoine Faivre et d’Émile Poulat, méconnaissant l’histoire des idées, et voulant annexer cette notion à l’exotérisme chrétien, en a singulièrement amoindri la signification. Pour lui, comme pour d’autres, l’ésotérisme n’est qu’un simple prolongement des possibilités normales de l’ordre religieux commun. Ce qui témoigne de son refus d’admettre la réalité d’un ésotérisme chrétien au sens formel et technique du terme. L’étude de notre collaborateur est donc aussi la véritable histoire de l’apparition en Occident du terme « ésotérisme », ainsi que de ce qu’il désigne en réalité.  
         Outre la nécessité de mettre fin au préjudice causé par M. Robin, on voit à quel point il était utile d’écarter en même temps des obstacles empêchant un développement de la compréhension de l’œuvre de Guénon. Des renseignements nouveaux, notamment sur la publication posthume des écrits de Guénon, sur ses amis hindous à Paris dans la première décennie du XXe siècle, sur l’attention portée au mouvement des « Amis de Dieu » de la fin du moyen âge par Guénon, Vâlsan et Corbin, et les documents inédits qui accompagnent cette étude augmentent encore son intérêt.

Julien Arland

Directeur littéraire

citation

Pour citer cet article :

Julien Arland, « Éditorial », Cahiers de l’Unité, n° 31, Juillet-août-septembre, 2023 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2023

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