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Clé eschatologique du Mahâbhârata,

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PLAN

Éléments cyclologiques du Mahâbhârata

Draupadî et l’état primordial

Le Vase d’immortalité (Pâtra-devatâ)

Le retrait du Centre suprême 

L’engloutissement de Dvârakâ

Jagannâth et le Cœur de Krishna

Chaitanya et les gardiens de la Terre sainte

Le Pôle et la couleur noire 

La descente de la Jérusalem céleste 

Tripura Sundarî et la nouvelle manifestation du Centre suprême

Le retour de Krishna et Arjuna

Le Christ et le Mahdî

La conjonction finale des formes traditionnelles

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Les dix avatâra

           Le Mahâbhârata, par son volume et par l’ampleur des thèmes qu’il aborde, peut faire l’objet d’une multitude de niveaux de lecture différents. En présentant l’ouvrage que M. Dominique Wohlschlag a consacré à ce sujet, dans le n° 29 de cette revue, nous avons rappelé que tous les textes sacrés pouvaient du reste être lus à différents points de vue, du plus extérieur (le récit d’un évènement de l’histoire sacrée, prenant place dans le temps) au plus intérieur (le symbolisme d’ordre purement spirituel et par là même éternel). Ces points de vue ne s’excluent nullement et se complètement même étroitement, tout en étant hiérarchisés. C’est dans ce cadre que M. Wohlschlag a proposé plusieurs clés de lecture de l’épopée sur lesquelles nous sommes revenus. Nous voudrions maintenant profiter de cette occasion pour proposer une clé supplémentaire, qui prolonge et complète les aspects cyclologiques déjà évoqués dans ce livre : la clé eschatologique.

           Le Mahâbhârata, nous l’avons souligné à la suite de M. Wohlschlag, constitue le support d’une redéfinition du sanâtana-dharma pour la fin du cycle. Il inaugure ainsi une « attitude spirituelle » qui caractérise l’ensemble des traditions du dernier âge, à savoir l’attente d’un renouvellement eschatologique majeur qui doit marquer le terme du présent cycle et le début du cycle suivant. Alors que le Rig-Veda, généralement considéré comme un héritage direct du troisième âge, semble encore entièrement tourné vers le récit du commencement du monde, le Mahâbhârata est le récit du « début de la fin », plaçant les hindous, et avec eux tous les hommes du kali-yuga, dans l’attente du retour de Vishnu sous la forme du Kalkî-avatâra (1). Cette « attente eschatologique » sera réitérée dans toutes les traditions du dernier âge, et il est facile de constater qu’elle atteint son apogée dans le Nouveau Testament et dans le Coran, c’est-à-dire dans les révélations propres aux deux dernières traditions du cycle. 

             Si le Mahâbhârata est le récit du début du kali-yuga, il doit donc comporter certains indices sur ce que sera le déroulement de celui-ci et surtout sur son achèvement. Il est en effet légitime de supposer qu’il existe une certaine correspondance entre le début et la fin d’une période cyclique, un rapport de « miroir » en vertu duquel des analogies peuvent être relevées entre ces deux bornes temporelles. Nous pouvons le vérifier, à l’échelle de la totalité de notre cycle, en considérant par exemple que l’uniformisation de notre monde à la fin du kali-yuga est un reflet inversé de l’unité qui prévaut au début du satya-yuga (2). À une échelle inférieure, des correspondances du même type se retrouvent à l’intérieur des cycles secondaires, et, dans cette perspective, la description du début de l’âge sombre doit comporter la possibilité d’en tirer certaines conclusions sur son terme. Les éléments que nous allons présenter dans cette étude vont nous permettre d’en donner un aperçu.

 

Éléments cyclologiques du Mahâbhârata

 

     Il nous faut tout d’abord commencer par rappeler certaines données cyclologiques contenues dans le Mahâbhârata, et nous allons pour cela nous appuyer encore sur le livre de M. Wohlschlag qui les résume dans un chapitre entièrement consacré à ce thème. 

       L’élément le plus essentiel à ce sujet concerne la durée de la vie de Shrî Krishna, qui représente la source de la réadaptation finale du sanâtana-dharma (comme en atteste le fait que ce soit lui qui délivre l’enseignement de la Gîta à Arjuna), et dont la mort marque traditionnellement le début du kali-yuga. Or, M. Wohlschlag souligne d’une part que la durée de la vie de Krishna est de 72 ans, d’autre part que la grande bataille du Kurukshetra, qui sert précisément de cadre à la Gîta, a lieu alors qu’il est âgé de 36 ans, c’est-à-dire à l’exact milieu de son existence terrestre.

     Les lecteurs de René Guénon se rappelleront que 72 ans est la durée correspondant à un déplacement d’un degré des points équinoxiaux. Une 

 

Benoît Gorlich

 

1. M. Wohlschlag rappelle ainsi que si le Rig-Veda « ne contient pas d’enseignement eschatologique, ce recueil d’hymnes regorge d’allusions à la création du monde, surtout au travers du mythe primordial du meurtre du dragon Vrita par Indra, et, dans sa dernière portion, au travers de celui du démembrement du Purusha, ces deux mythes initiant concurremment la doctrine du sacrifice. L’homme du dvâpara-yuga a de cette manière le regard encore tourné vers l’origine, et son comportement [traditionnel] est une réponse directe à ce qu’ont fait les dieux au commencement. L’homme du kali-yuga, par contre, est définitivement mis en présence de l’échéance prochaine du cycle, le pralaya, et son attitude spirituelle est imprégnée de l’attente d’un renouveau cyclique et de la promesse d’une dernière intervention de Vishnu qui, sous la forme du Kalkyavatâra, se manifestera à la fin du yuga, l’épée dégainée, monté sur un cheval blanc » (Dominique Wohlschlag, Clés pour le Mahâbhârata, Infolio, 2015, p. 117).

 

2. L’absence de toute caste dans la dernière partie du kali-yuga est ainsi un « reflet », c’est-à-dire une image inversée, de la caste unique Hamsa qui caractérise le satya-yuga. Elle a sa contrepartie positive dans la constitution des dernières formes initiatiques traditionnelles qui, à l’instar du Tantrisme, de l’Hésychasme ou du Soufisme, ne prennent pas appui sur une caste ou un métier, ni ne tiennent compte de la naissance, et s’adressent ainsi à tous les hommes qualifiés. De même, la réduction au minimum des barrières spatiales par les moyens de communication modernes et par l’importance des migrations, la multiplication des organisations internationales et la diffusion de la notion de « gouvernance mondiale » conduisent à une humanité indifférenciée, reflet déformé de la civilisation primordiale et en même temps condition nécessaire des évènements eschatologiques qui, à la fin du cycle, doivent concerner le monde entier. On peut encore relever que la tentative d’effacer toute différenciation entre les sexes qui caractérise l’Occident actuel est également une inversion de l’androgynat primordial. De manière générale, la dissolution de toutes les structures qualitatives, si elle est évidemment négative en soi du point de vue traditionnel, doit marquer l’épuisement des possibilités du cycle actuel et est donc un préalable au renouvellement eschatologique dont nous parlons ici.

 

3. ...

L’intégralité de cet article est exclusivement réservée à nos abonnés ou aux acheteurs du numéro 32 des Cahiers de lUnité

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