Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Le Recueil couleur annuel 2024
volume IX
à paraître
le 22 janvier 2025
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
Doctrine traditionnelle
et doctrine catholique
PLAN
L’œuvre de René Guénon offre une synthèse de la doctrine traditionnelle à destination de l’Occident, dans le but de préparer le « redressement » qui s’accomplira à la fin du cycle. C’est l’opportunité, pour les Chrétiens, de se réapproprier leur propre tradition à la lumière de cet enseignement providentiel, qui s’inscrit dans la perspective eschatologique du Second Avènement du Christ
Ce travail d’intégration de la doctrine traditionnelle n’est pas aisé, car le point de vue chrétien se fonde d’abord sur un événement historique : l’Incarnation de Jésus-Christ. La doctrine traditionnelle, elle, repose sur des principes immuables. Guénon a toutefois donné des correspondances entre la doctrine traditionnelle et la doctrine catholique, comme en témoigne sa collaboration avec la revue Regnabit (1). Il s’est cependant heurté à l’incompréhension de Jacques Maritain, représentant du néo-thomisme, qui proposa la mise à l’Index de son œuvre. Cette proposition fut rejetée par le Pape lui-même, paraît-il (2).
Le processus d’assimilation fut par la suite brouillé par une confusion entre deux ordres de réalité, ésotérique et exotérique. Cette confusion fut introduite par Frithjof Schuon, qui avait soutenu la thèse erronée de la permanence des sacrements chrétiens comme rites d’initiation (3). Cette confusion repose, selon nous, sur une incompréhension de la voie mystique (4). La voie mystique vise bien l’union à Dieu, mais à l’intérieur de l’état humain ; elle se situe donc dans les limites de l’exotérisme. Les sacrements chrétiens peuvent en revanche être considérés comme une extériorisation de l’ésotérisme, comme l’a défendu Guénon (5). Rappelons cependant que les sacrements, bien que relevant exclusivement maintenant de l’exotérisme dans leur fonction rituelle, s’harmonisent naturellement avec le point de vue initiatique et sont évidemment susceptibles d’une transposition dans le domaine ésotérique au point de vue du sens et de leurs vertus spirituelles.
La thèse de Frithjof Schuon fut reprise par M. Jean Borella, dont l’œuvre propose une intégration catholique de la doctrine traditionnelle (6). Néanmoins, la confusion entre les deux ordres, ésotérique et exotérique, l’a conduit à rompre avec l’autorité doctrinale de René Guénon. Il fut en retour suspecté d’hérésie sur le plan exotérique, sans pouvoir se défendre sur le plan ésotérique (7). D’après nous, le travail d’assimilation doit être réalisé dans un sens inverse : c’est la doctrine catholique qui doit être « réintégrée » dans la doctrine traditionnelle, qui en représente le noyau immuable. Cette réintégration doit rendre au Catholicisme son « universalité » originelle, dans la perspective du redressement final.
Dans cet article, nous chercherons à poser les fondements d’une telle intégration. Nous identifions trois difficultés : la question de la Trinité, la question de l’Incarnation et la question de l’Islam en tant que révélation ultime, qui excède la perspective œcuménique de Vatican II (8). Nous privilégierons les solutions les plus simples, préservant à la fois la doctrine traditionnelle et la doctrine catholique, dans leurs ordres respectifs qui sont l’ésotérisme et l’exotérisme.
Nous présupposons acquis la distinction entre ces deux ordres. L’ésotérisme vise à la délivrance par la connaissance ; l’exotérisme vise au salut par la foi. La délivrance est le dépassement de l’état humain, jusqu’à l’Identité Suprême ; le salut est la conservation de l’état humain dans son prolongement subtil, jusqu’à la Résurrection. Ces deux ordres ne s’opposent pas, mais se superposent, puisque dans l’exotérisme, la possibilité de réintégrer l’état primordial est envisagée a priori à la fin du cycle, à la Résurrection (9). Parce que l’ésotérisme se situe au-delà de l’état humain, et l’exotérisme à l’intérieur, on pourrait sans doute dire, ceteris paribus, que si l’ésotérisme est « élitaire », l’exotérisme est « égalitaire » (10).
La Trinité traditionnelle
Cette distinction étant posée, nous pouvons aborder la première difficulté : la question de la Trinité. Il nous paraît fondamental d’identifier son origine traditionnelle, puisqu’elle représente, pour les Chrétiens, l’identité même de Dieu. Rappelons que le Christianisme n’est pas un trithéisme, mais un monothéisme : un seul Dieu en trois hypostases. Un sont Trois et Trois sont Un.
Selon Guénon, « Dieu » est perçu...
Gabriel Giraud
1. René Guénon, Écrits pour Regnabit. Revue Universelle du Sacré-Cœur, Archè, 1999.
2. Laurent Guyot, « René Guénon et la Maçonnerie opérative » (II), Cahiers de l’Unité, n° 3, juillet-août-septembre 2016.
3. Frithjof Schuon, « Mystères christiques », Études Traditionnelles, n° 269, juillet-août 1948. D’après la correspondance de Michel Vâlsan avec Anton Dimitriu qui avait reçu l’initiation hésychaste par Jean l’Étranger (Ivan Kulygin), la voie hésychaste rénovée par Païssy Velitchkovsky (1722-1794) comporterait 7 degrés d’initiation correspondant aux 7 mystères évangéliques, qui ne pouvaient être transmis que par des moines spéciaux.
4. La voie mystique pourrait avoir son origine dans la pratique d’une méthode initiatique sans initiation. Les ressemblances extérieures qui existent entre la voie dévotionnelle (bhakti-yoga) et la voie mystique laissent penser que le mysticisme occidental est né sur les vestiges d’une initiation de type « bhaktique ». René Guénon précise que le bhakti-yoga est bien une voie initiatique, plus spécialement adaptée à la mentalité « chevaleresque » des Kshatriyas. (Cf. René Guénon, Initiation et réalisation spirituelle, ch. XVIII : «Les trois voies et les formes initiatiques»).
5. René Guénon, Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, ch. II : « Christianisme et initiation ». Voir aussi notre article dans Cahiers de l’Unité, n° 34, 2024.
6. Jean Borella, Ésotérisme guénonien et mystère chrétien, L’Harmattan, 2017.
7. Abbé Basilio Meramo, Les hérésies de la gnose du professeur Jean Borella, Les Amis de Saint François de Sales, 1996.
8. Nostra Ætate. Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes, 1965.
9. René Guénon, Initiation et réalisation spirituelle, ch. VIII : « Salut et Délivrance ».
10. La distinction entre « l’élite » et « la foule » était courante dans l’Antiquité. Cette distinction entre le petit nombre et le grand nombre (oi polloi, « le grand nombre », « la plupart », « la foule », « le vulgaire »), qui constitue une articulation majeure dans la discussion antique sur le meilleur régime politique, concerne d’abord la recherche de la Vérité. Selon les termes de l’Épitre aux Galates, IV, 6, il y a un « esprit de servitude » et un « esprit de filiation » qui correspondent respectivement à l’exotérisme et à l’ésotérisme. Il s’agit d’une différence d’influences spirituelles conférées aux chrétiens entre la catégorie des simples croyants et la catégorie des hommes spirituels qui ont obtenus la filiation divine. Ceux de la seconde catégorie représentent l’élite constituée par un acte d’adoption divine correspondant à une initiation. (Cf. Michel Vâlsan, « L’Initiation chrétienne », Études Traditionnelles, n° 389-390, mai à août 1965)
11. ...
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Saint Païssy Velitchkovsky
Apocalipsis in dietsche
1400-50, BNF Neer 3 fol 2r