Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Le Recueil couleur annuel 2024
volume IX
à paraître
le 22 janvier 2025
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
ÉDITORIAL René Guénon

Nous proposons ici l’intégralité de trois lettres inédites de René Guénon à René Humery. Elles appartiennent à une ample correspondance dont la présentation générale a été donnée dans le n° 28 de nos Cahiers en 2022. À ces lettres, nous avons ajouté les textes de Guénon où il est question d’André Savoret. En effet, certains paraissent encore attacher de l’intérêt aux livres de ce pseudo-druide occultiste néo-chrétien. Il est vrai qu’il ne convient plus de s’étonner de rien lorsque l’on voit que sont rééditées de nos jours les ineptes divagations d’un Paul Le Cour…
S’adressant à un ami intime qu’il connaissait depuis 1909, le ton de ses lettres loin d’être guindé ou hiératique est tout à fait libre et spontané. Cette publication, comme les précédentes, offre ainsi à ceux qui aiment et admirent René Guénon le privilège et le bonheur d’entrer dans la familiarité de son cercle de confiance et d’amitié par-delà le temps. S’il était nécessaire, ces lettres témoignent qu’il n’y avait chez lui aucun hiatus entre ses écrits publics et privés, c’est-à-dire entre ce qu’il publiait et ce qu’il était à titre individuel. C’est ainsi une façon précieuse d’accéder à un modèle de vie intellectuelle qui est toujours un soutien pour les esprits traditionnels vivant dans le chaos de la modernité, ainsi qu’une source d’inspiration et d’émulation pour ceux qui ont compris son œuvre.
La dimension spirituelle de son auteur, exemple insigne de sainteté intellectuelle au XXe siècle, confère à la finesse de ses observations psychologiques sur le comportement des uns et des autres la nature d’un enseignement toujours actuel. En effet, l’excessive susceptibilité, la mesquinerie, le désir de domination, la rancœur, la volonté de nuire, l’hostilité, voire la haine, ne sont certes pas limités à Oswald Wirth comme il en est question dans une de ses missives, mais continuent de manière apparente ou cachée – ce qui est le plus fréquent – d’animer bien d’autres à notre époque. La lecture de ses lettres permet ainsi à tous ceux qui se préoccupent des questions traditionnelles et qui agissent dans ce domaine à mieux comprendre les raisons de certaines réactions auxquelles ils peuvent être confrontés jusque dans leur propre camp. Ce sont souvent les mêmes qu’autrefois telles que Guénon les a identifiées alors.
Toujours soucieux de la réalisation spirituelle effective, et dans le cadre du redressement traditionnel de la Maçonnerie, Guénon aborde aussi dans ces lettres les possibilités d’organisation qui favoriseraient un tel projet. On y verra également un autre exemple de sa préoccupation constante à faire parvenir son enseignement à ses destinataires, des difficultés auxquelles il se heurtait, et des inquiétudes fréquentes que ces dernières provoquaient. Le naturel de ces lettres apparaît par l’empathie qu’il témoigne aux uns et aux autres de ses correspondants et amis dont il demande toujours des nouvelles. Le naturel de cette empathie s’exprime encore en contrepoint par son inverse dans la spontanéité de sa réaction violente contre les Anglais à propos d’une rumeur que l’on faisait courir sur lui. Si sa réaction pourrait paraître excessive, voire amusante, il faut prendre conscience qu’il était mieux placé que quiconque pour émettre un avis général sur ce peuple sans avoir besoin de dissimuler son aversion, même pour un simple racontar. Ayant eu à connaître directement par ses Maîtres et amis hindous les horribles ravages de la dévastation antitraditionnelle de la colonisation anglaise en Inde, malfaisance toujours active en 1933, il avait d’excellentes raisons pour réagir ainsi. Ce qui ne signifie pas qu’il était victime de préjugés puisqu’il sut accueillir auprès de lui des Britanniques tels que Martin Lings et son ami Adrian Paterson auquel il offrit même l’asile de son propre tombeau à la mort accidentelle de celui-ci
Si nous relevons ce point, c’est en raison d’une nouvelle et pernicieuse offensive contre son œuvre qui se manifeste aujourd’hui et qui, par une coïncidence significative, a la même origine. Nous voulons parler des activités et des publications plus que troubles de ce sordide diffamateur qu’est M. Mark Sedgwick. C’est à ce désinformateur notoire, agent anglais de la déviation moderne, qu’est consacrée la suite du compte rendu de M. Guyot sur le livre collectif dirigé par Mme Houman et M. Ringgenberg. Le fait de publier le narratif complotiste bassement politico-idéologique de cet inquiétant personnage en dit long sur l’aveuglement des deux responsables de cet ouvrage collectif consacré à Guénon et Schuon, ou sur leur volonté de nuire aux œuvres de ceux qu’ils prétendent étudier. Ce compte rendu de notre collaborateur lui offre l’occasion d’une mise au point salutaire sur le « traditionnalisme » ainsi que sur la « question politique », pour ne pas dire sur « l’obsession politique », laquelle, on le sait, encombre abusivement nombre de mentalités en nuisant à la connaissance des vérités traditionnelles (1). Il montre notamment que l’enfermement dans un dualisme d’oppositions de la politique moderne qui induit la nécessité de se déterminer en faveur de l’un des deux termes en présence est un procédé courant des méthodes subversives.
On trouvera également dans cette livraison un texte de M. Gabriel Giraud qui après avoir cherché à poser les fondations d’une conjonction de la doctrine catholique avec la doctrine traditionnelle universelle dans la première partie de son étude, tente maintenant de définir une doctrine catholique des états multiples de l’être. M. Erwan Balcus, quant à lui, nous propose la suite de son interprétation alchimique de La Divine Comédie. À l’instar de l’herméneutique akbarienne qui veut que l’œuvre d’Ibn ‘Arabî s’explique par elle-même, il montre que certaines des parties de La Divine Comédie s’éclairent mutuellement dès lors qu’elles sont rapprochées entre elles.
Un de nos fidèles lecteurs en Belgique, que nous saluons ici, nous a posé la question de savoir ce qui signifiait exactement notre titre de « Directeur littéraire ». Il nous donne ainsi l’occasion de préciser que notre rôle est d’assurer une unité de direction doctrinale aux Cahiers. Nous ne nous substituons pas aux auteurs qui restent seuls responsables de leurs textes. Pour présenter notre position, nous pouvons reprendre à notre compte, en l’adaptant un peu, l’Avis de la rédaction publié dans les Études Traditionnelles en 1961 :
Les Cahiers de l’Unité devant faire place, autant que possible, aux orientations et aux préoccupations les plus diverses de la spiritualité traditionnelle, le Directeur littéraire a recours à toutes les collaborations qui satisfont à la condition générale de la traditionnalité et à celle spéciale de l’intérêt intellectuel. Cependant il ne saurait être considéré comme engagé par toutes les conséquences que les différents auteurs, auxquels il offre les pages de la revue, tirent des principes ou des sources traditionnelles.
Quant aux différents collaborateurs, qui souvent ne se connaissent même pas entre eux, et qui d’ordinaire ignorent les sommaires dans lesquels figureront leurs textes, ils ne pourraient être tenus comme solidaires les uns des autres, de même qu’ils ne sauraient être considérés comme se situant sous quelque autorité organique commune. Sous ce dernier rapport, le Directeur littéraire n’a que le rôle de réunir les collaborations les plus utiles et jugées telles.
Julien Arland
Directeur littéraire
1. Ainsi que le remarque un journaliste, le politique est parvenu à s’insérer dans le moindre interstice de la vie quotidienne. Il divise la société et parfois même les familles. Il transforme les relations humaines naturelles en relations de pouvoir, par définition fondées sur l’antagonisme et la lutte. Sa logique interne conduit inéluctablement à simplifier toujours davantage le discours et à radicaliser toujours davantage l’action. « Tout est politique », était un des slogans de Mai 68. Il a été lourd de conséquences. Sommer la population de prendre parti par tous les moyens, y compris violents, que justifie la prémisse du « tout est politique », est un viol du droit le plus fondamental que possède tout individu : celui d’être laissé tranquille. (Cf. Mario Roy, La Presse, 7 janvier 2025)