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LE SHIVAISME ET LES TRADITIONS TANTRIQUES-I

Le Shivaïsme et les traditions tantriques

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Shiva

Shiva

Auteur

PRÉSENTATION DE L'AUTEUR

Monsieur Alexis G. J. S. Sanderson est Emeritus Fellow du All Souls College et Emeritus Professor de l’Université d’Oxford. Après un diplôme de premier cycle en Lettres classiques (1969), puis en sanskrit (1971) au Balliol College d’Oxford, il a été chargé de cours de sanskrit à l’Université d’Oxford, et il est devenu membre du Wolfson College de 1977 à 1992. De 1992 à 1995, il a occupé la chaire de Religions Orientales et d’Éthique au All Souls College Ã  Oxford (Faculté des Études orientales â€“ Département des Études d’Asie du Sud et d’Asie intérieure). Son domaine d’études est plus spécialement l’histoire du Shivaïsme et de son influence.

 

Si nous publions ici une traduction de l’étude intitulée « Shaivism and the Tantric Traditions Â» (1988), c’est que la maîtrise du sanskrit donne à M. Sanderson un accès direct aux textes des Tantras, et qu'il a passé six années d’études sous la direction de Swâmî Lakshman Jû de Shrinagar, l’un des derniers grands maîtres spirituels du Shivaïsme tantrique du Cachemire. Ses travaux appartiennent aux rares études en langue occidentale qui permettent de mieux comprendre divers aspects des doctrines et des méthodes de ce développement de la tradition hindoue qu’on appelle le Tantrisme. À ce titre, ils méritent d’être mieux connus des lecteurs francophones d’esprit traditionnel.

Shiva

Shiva

Abhinavagupta

Hymne sur la Réalité suprême d'Abhinavagupta

Introduction

 

       Le terme « Shivaïsme » se rapporte ici à un nombre distinct de courants traditionnels historiquement reliés, comprenant des aspects doctrinaux et rituels, qui ont été diffusés en Inde en tant qu’enseignement du dieu Shiva. Un Shivaïte (Shaïva) est celui dont la pratique se rattache à un tel courant. Entendre ce terme comme signifiant « un adorateur de Shiva » ou « celui dont la divinité est Shiva » est moins précis. Un Shivaïte peut très bien être un adorateur non de Shiva, mais de la Déesse (Devî). Quoique celle-ci soit communément représentée comme l’épouse de Shiva et théologiquement comme sa puissance (shakti) inhérente, elle constitue néanmoins l’aspect caractéristique de certaines formes de Shivaïsme dans lesquelles elle transcende cette subordination maritale et logique.

 

       Les révélations scripturaires du courant principal shivaïte sont appelées Tantras et ceux qui agissent en accord avec leurs prescriptions sont par conséquent appelés tântrikas. Le terme tantra désigne simplement un ensemble de rituels ou d’instructions fondamentales, mais lorsqu’il est appliqué dans ce contexte particulier du shivaïsme, il sert à se différencier des courants traditionnels qui font dériver leur autorité des Vêdas (la révélation directe : shruti) et d’un ensemble de textes ultérieurs qui se base sur les Vêdas (révélation indirecte : smriti). Ce corpus de la shruti et de la smriti enseigne des rites, des doctrines et des règles qui constituent la base ou l’ordre orthodoxe et sotériologique de l’hindouisme. Les tântrikas considèrent leurs propres textes comme une révélation additionnelle et plus particulière (vishesashâstra) qui offre des moyens de Délivrance plus efficients que ceux issus du corpus de la shruti et de la smriti. Les rituels d’initiation tantrique (dîkshâ) ont pour objet à la fois d’affranchir du cycle des transmigrations par l’abolition des conséquences des actes passés (karma) sur l’individu, selon les valeurs déterminées par les Vêdas, et de l’unir à la divinité par une infusion transformatrice de la Puissance divine.

 

          Les Shivaïtes ne sont pas les seuls tântrikas. Il y a aussi les tântrikas vishnuïtes (Vaïshnavas) du courant Pâñcharâtra dont les Tantras, considérés par eux comme la Parole de Vishnu, prescrivent les rituels, les doctrines et les règles des fidèles de Vâsudeva dans ses multiples aspects (vyûha) et émanations (vibhava, avatâra). En plus de ces deux groupes majeurs de tântrikas, il y a les Sauras qui suivent les Tantras révélés par le Soleil (Sûrya), mais alors que nous avons accès à de nombreux Tantras vishnuïtes et à un vaste corpus d’écrits shivaïtes, la tradition Saura est muette. Un ancien Tantra shivaïte (Shrîkanthîyasamhiyâ) donne la liste de 85 Tantras du Soleil, mais à l’exception de la Saurasamhitâ aucun de ceux-ci ni d’autres Tantras Saura ne sont parvenus jusqu’à nous.

 

            Les révélations tantriques ne furent pas limitées à ceux qui acceptaient l’autorité supra-humaine des Vêdas. Elles se produisirent également à une plus petite échelle parmi les Jaïns et chez les Bouddhistes qui ajoutèrent un énorme corpus tantrique à leurs écritures canoniques entre le Ve siècle et jusqu’à la moitié du VIIIe siècle (400-750 après J.-C.). À la fin de cette période, les Tantras, appelés « la Voie du Diamant » (Vajrayâna) ou « des Mantras » (Mantrayâna), étaient généralement reconnus, parmi ceux qui suivaient la « Grande Voie » (Mahâyâna), comme le moyen de Libération (nirvâna) le plus haut et le plus direct. Ses déités ésotériques furent installées dans les monastères comme les hauts protecteurs de la foi. Dans la section tantrique de leur canon, les Tibétains qui reçurent le Bouddhisme à ce stade de développement préservent les traductions du sanskrit de presque 500 textes révélés et plus de 2000 commentaires et textes explicatifs. De ceux-ci, plus des trois quarts concernent les Tantras du genre le plus radical, ceux du plus haut et du suprême Yoga (Yogottara-tantras et Yogânuttara-tantras).

 

        Dans ces formes traditionnelles, ou leurs branches, en plus de la tradition extérieure, il était possible de suivre la voie tantrique qui appartenait au domaine ésotérique. Dans celles-ci, certaines formes rituelles tantriques d’ordre initiatique...

 

 

Alexis Sanderson

(À suivre)

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Cet article n'est plus en libre accès.

Il est contenu dans l'édition imprimée du numéro 1

et du Recueil annuel 2016 des Cahiers de l'Unité

Citation Shivaïsme

Pour citer cet article :

Alexis Sanderson, « Le Shivaïsme et traditions tantrique (I) Â», Cahiers de l’Unité, n° 1, janvier-février-mars, 2016 (en ligne).

 

© Pour la traduction française, Cahiers de l’Unité, 2016  

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