Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
Retour au pays des ombres :
Jean Borella et le borellisme

René Guénon et le guénonisme :
Enjeux et questionnements
168 pages, Collection Théôria, L'Harmattan, 2020
Jean Borella
PLAN
D’où lui vient cette sagesse ? N’est-il pas le fils d’un architecte de Blois ?
« Malheur à vous, docteurs » (Luc, XI, 52)
« Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous. » (Jean, II, 15)
« Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? » (Galates, IV, 16)
« C’est aussi nous que tu outrages » (Luc, XI, 45)
Le grand renversement
Stella Polaris
Le début d’un ministère public
« Il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes » (Marc, I, 22)
Au pays des ombres
Ce livre est la réunion d’articles consacrés à René Guénon qui ont été rédigés par M. Jean Borella tout au long de sa vie. Nos lecteurs savent sans doute qu’il fut l’élève de Georges Vallin (1921-1983), l’auteur de La perspective métaphysique (1959), puis durant trois ans de Guy Bugault (1906-2002), et de Raymond Ruyer (1902-1967) à l’université de Nancy (1). Né en 1930, il a découvert l’œuvre de René Guénon à 24 ans. Six années plus tard, il sera reçu à l’agrégation de philosophie. Il deviendra professeur de philosophie et de lettres en classe d’hypokhâgne à Nancy de 1962 à 1977, puis professeur de métaphysique et de philosophie médiévale à l’université de Nancy II de 1977 à 1995. Il est l’auteur de 17 ouvrages et de nombreux articles traitant principalement de divers aspects de la tradition chrétienne. Quoique de confession catholique, il fut également longtemps un disciple intellectuel de Frithjof Schuon (1907-1998). Sauf erreur, il s’en sépara lors des accusations portées publiquement contre ce dernier aux États-Unis en 1991.
Disons-le tout de suite, car l’image pourrait choquer ou être mal comprise, si nous avons souhaité que figure une allégorie de l’hérésie en frontispice de cette étude critique, ce n’est certainement pas pour accuser d’hérésie M. Borella dans le domaine de l’exotérisme catholique. Loin de nous cette pensée ; pour autant que nous ayons qualité à le dire, nous lui reconnaissons bien volontiers une pleine orthodoxie dans ce domaine, contrairement aux allégations lancées autrefois contre lui par quelques intégristes obtus qui se voulaient tellement orthodoxes qu’ils étaient devenus schismatiques. En revanche, oui, et en respectant tout à fait l’individualité de M. Borella dont l’honorabilité n’est pas en cause et en lui demandant de pardonner la brutalité de notre franchise, nous considérons, et c’est la raison de la présence de cette gravure, qu’il est un hérésiarque en ce qui concerne l’ésotérisme chrétien. Comme il n’est peut-être pas sans le savoir, l’orthodoxie exotérique est distincte de l’orthodoxie ésotérique : « malgré une relation organique existant jusqu’à un certain point entre les deux domaines extérieur et intérieur d’une même forme traditionnelle, les critères applicables à l’un sont naturellement différents de ceux applicables à l’autre. » C’est cette hétérodoxie vis-à-vis de l’ésotérisme chrétien, et ses conséquences, que nous allons aborder ici.
D’où lui vient cette sagesse ? N’est-il pas le fils d’un architecte de Blois ?
Avant de distinguer la vérité de l’erreur, ce qui est excellent de ce qui est exécrable dans ce livre, abordons ce qui est désagréable. Dans son premier texte, intitulé « Repères essentiels », nous avons droit à l’exercice apparemment indémodable des ouvrages du genre, à savoir une biographie. Nous admettons tout à fait que la contextualisation puisse avoir parfois sa nécessité, faut-il encore qu’elle soit bien menée pour donner du sens. C’est malheureusement rarement le cas. Ici, on se demande pourquoi on nous fait part de certains détails qui ne relèvent en rien des « repères essentiels » annoncés par le titre. En revanche, ils pourront certainement contribuer à alimenter les habituelles dérives interprétatives d’ordre psychologique qui hantent la mentalité de nos contemporains, et dont le XXe siècle fut si prodigue.
Cette pratique indique que l’on participe de la mentalité moderne et que l’on collabore à la maintenir. Il va pourtant de soi que l’on ne comprendra pas mieux la doctrine métaphysique exposée par René Guénon si l’on sait qu’il préférait le café au thé, ou l’inverse (2). C’est avoir une bien piètre idée de la dignité intellectuelle de l’être humain que de le croire. Pour cette raison, et quand ces détails tendent à fausser une appréhension plus exacte des choses, on doit s’abstenir de les mentionner, à moins, bien entendu, que l’on soit incapable de juger entre ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas. Quoique des biographes se soient employés à rendre publique une grande quantité de détails de la vie privée de René Guénon, jusqu’à ses bulletins scolaires et ses tickets de métro (3), aucun d’entre eux n’a été assez perspicace ou honnête pour reconnaître ensuite que ces détails n’expliquaient en rien son œuvre. Sans doute ces biographes n’étaient-ils que dogues ayant aperçu des choses saintes, ou verrats grisés par des perles...
Nous savions que le voyeurisme était la pente du siècle dernier, mais nous nous étonnons que M. Borella y ait cédé au début du siècle suivant. Par exemple, quel intérêt y avait-il à signaler que la sœur de Guénon était morte avant sa propre naissance ou que c’est sa tante qui lui enseigna la lecture et l’écriture (p. 13) ? Ces détails, qui auraient plus leur place dans Psychologie-magazine, n’expliquent rien et tendent à réduire l’œuvre en permettant à certains de supposer qu’ils pourraient en éclairer certains aspects. Ils produisent un brouillage entre l’essentiel et le périphérique, et induisent une familiarité aussi déplacée qu’illusoire. D’autant qu’il ne nous semble pas que chaque fois que l’on traite des travaux de Husserl, par exemple, on mentionne la mort de son fils comme si elle avait influencé l’écriture de Logique formelle et logique transcendantale (Formale und transzendentale Logik), ou chez Heidegger le rôle de sa liaison avec Hannah Arendt dans la rédaction d’Être et Temps (Sein und Zeit) ni que l’on signale à propos de Wittgenstein, pour prendre encore un autre exemple, qu’il fut dans la même classe qu’Adolf Hitler au collège (4). On le ferait que cela n’éclairerait en rien son Tractatus. De telles précisions paraîtraient fortement incongrues dans leurs cas, alors pourquoi le faire à propos de Guénon ? Sinon pour donner le pas à l’horizontalité de l’individualisme au détriment de la verticalité de la personnalité (5). Ceux qui ne comprennent pas cette distinction voudront bien relire le verset 55 du chapitre XIII de l’Évangile selon saint Matthieu.
L’erreur de l’individualisme
Indiquons à ce propos ce que Guénon écrivait dans une lettre du 17 octobre 1950 : « Je suis bien décidé à ne jamais fournir le moindre renseignement biographique, car il y a là pour moi une question de principe ; l’intérêt porté à ces choses individuelles est d’ailleurs forcément la marque d’une certaine incompréhension au point de vue doctrinal, sans compter que c’est là une manie spécifiquement moderne. » Comme cela a déjà été rappelé dans cette revue (6), le genre biographique est une conséquence de ce que Guénon appelle l’ « individualisme ». Et qu’est-ce que celui-ci ? « C’est la négation de tout principe supérieur à l’individualité, et, par suite, la réduction de la civilisation, dans tous les domaines, aux seuls éléments purement humains ; c’est donc la même chose que l’“humanisme”, et c’est aussi ce qui caractérise proprement le point de vue ou l’esprit “profane” qui se confond avec l’esprit antitraditionnel, dont les manifestations multiples, dans tous les domaines, constituent un des facteurs les plus importants du désordre de notre époque » (7).
À cet égard, il précise encore que « Parfois, l’individualisme, au sens le plus ordinaire et le plus bas du mot, se manifeste d’une façon plus apparente encore : ainsi, ne voit-on pas à chaque instant des gens qui veulent juger l’œuvre d’un homme d’après ce qu’ils savent de sa vie privée, comme s’il pouvait y avoir entre ces deux choses un rapport quelconque ? De la même tendance, jointe à la manie du détail, dérivent aussi, notons-le en passant, l’intérêt qu’on attache aux moindres particularités de l’existence des “grands hommes”, et l’illusion qu’on se donne d’expliquer tout ce qu’ils ont fait par une sorte d’analyse “psycho-physiologique” ; tout cela est bien significatif pour qui veut se rendre compte de ce qu’est vraiment la mentalité contemporaine » (8).
« Malheur à vous, docteurs » (Luc, XI, 52)
Nous avons dit que la contextualisation peut avoir parfois sa nécessité, mais quelle lumière apportera-t-elle si les éléments qui la concernent sont fallacieux ? Comment interpréter correctement quelque chose à partir de faits inexistants ou rapportés de manière inexacte ? Un fait ne parle pas toujours de lui-même, et son interprétation n’est pas forcément évidente, mais si le fait lui-même est faux ou déformé, on ne pourra que s’égarer dans l’imaginaire. Bien entendu, tous les faits ne sont pas connus, et on peut alors émettre des hypothèses, mais lorsqu’ils sont parfaitement attestés ou facile à établir, que devra-t-on penser du sérieux de celui qui n’en tient pas compte ? Quelle valeur aura son travail ?
M. Borella est docteur en philosophie, à ce titre il a plus de responsabilité que quelqu’un qui ne l’est pas, pourtant il commet les mêmes erreurs qu’un élève de classe de terminale : il ne vérifie pas ses sources. Faut-il croire qu’une fois le dernier diplôme acquis, on est ensuite libre de travailler comme un débutant et que personne ne trouvera à y redire ? Cela tendra plutôt à montrer qu’un diplôme n’a pas la valeur que les naïfs lui attribuent. Les droits que donne un diplôme impliquent en permanence des devoirs. Si ces devoirs ne sont pas suffisamment remplis, c’est tout le système des diplômes qui sera dévalué. C’est d’ailleurs ce que l’on observe actuellement en France.
La première erreur factuelle que nous visons ici, avec son interprétation subséquente évidemment fausse elle aussi, est celle concernant le refus de l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues comme thèse d’État. M. Borella nous dit que Guénon « finit (sic) par se heurter au refus de l’orientaliste Sylvain Lévi, qui avait accepté d’être son directeur de thèse. » (p. 18) Or, c’est tout le contraire qui est la vérité ! Sylvain Lévi (1863-1935) écrivit en conclusion de son rapport : « Je crois donc devoir vous engager, Monsieur le Doyen, à accorder votre visa à la thèse de M. Guénon. » C’est le doyen de la Sorbonne, Ferdinand Brunot (1860-1938), lequel venait d’être nommé, qui refusa d’accorder son visa. Techniquement, si l’on peut dire, c’est à ce personnage, quelque peu répugnant au point de vue idéologique, que revient la responsabilité du refus de la thèse de Guénon (9).
Pour M. Borella, s’égarant doctement dans un commentaire de fantaisie, ce refus de Sylvain Lévi est naturel, « car ce texte, quant à sa présentation, ne répondait nullement à ce qu’exige les autorités universitaires en matière scientifique, exigences qui constituent la loi du genre et auxquelles on ne saurait logiquement se soustraire dès lors qu’on sollicite l’approbation de ces mêmes autorités. » Pour lui, « le refus de Sylvain Lévi s’explique très normalement et point n’est besoin d’invoquer ici des raisons d’“école” ». (p. 21).
Tout est faux ici, le fait comme son interprétation. Cette double erreur vient de ce que M. Borella a suivi, sans vérification et comme toute une génération de biographes sans discernement, les travaux défectueux, mal avisés et anti-traditionnels de M. Jean-Pierre Laurant. Le texte de M. Borella date de 2019, il avait donc toute latitude pour éviter cette erreur et prendre connaissance du rapport de Sylvain Lévi. L’erreur avait été rectifiée dès 1971 par Michel Vâlsan dans les Études Traditionnelles, le rapport avait été publié en 2003, et sa conclusion reproduite ici en 2016. La rectification avait encore été signalée en 2018 et en 2019 (10). M. Xavier Accart en avait également fait état en 2005 dans Guénon ou le renversement des clartés, ouvrage indispensable à tous ceux qui veulent traiter de la réception publique de l’œuvre de Guénon entre 1920 et 1970 (Il y a évidemment eu une autre réception, mais qui ne fut pas publique). En 2014, M. Guillaume Bridet, dans L’événement indien de la littérature française, signale que « Guénon voit en 1921 son projet de thèse refusé par le doyen Ferdinand Brunot sur un rapport ambigu de Sylvain Lévi dénonçant sa démarche trop peu historique et trop mystique. » Même M. Roland Lardinois, qui commet pourtant tant d’erreurs, n’a pas fait celle-ci en 2007 dans L’invention de l’Inde. Que faut-il de plus ?
Les vraies questions
Dans l’ordre de la réalité historique, la vraie question qui se pose est pourquoi le doyen Brunot rejeta l’avis final favorable de Sylvain Lévi et refusa son visa ? Rappelons les autres remarques formulées par Lévi : « En tout cas, il (Guénon) témoigne d’un effort personnel de pensée qui est respectable et que les philosophes apprécieront ; il apporte une conception curieuse des systèmes philosophiques de l’Inde, qui tout en choquant les indianistes peut les inviter à d’utiles réflexions. Enfin la Faculté donnera une preuve manifeste de son libéralisme en acceptant cette critique violente de la “science officielle” des philosophes comme des indianistes. » On voit que ce n’est pas une « présentation, (qui) ne répondait nullement à ce qu’exige les autorités universitaires en matière scientifique » ainsi que l’a affirmé M. Borella. Serait-ce alors « cette critique violente de la “science officielle” » choquant les « philosophes » et les indianistes qui en serait la cause ? C’est fort probable. D’autres l’ont dit autrefois : « Même quand ils se plient au conformisme sorbonnagre, il n’est point séant que les candidats aient trop d’audace ni trop d’ambition dans leurs travaux. »
La question la plus importante alors est de savoir pourquoi Guénon présenta un travail à un indianiste, son directeur de thèse, qui non seulement ne faisait aucune concession à l’orientalisme, mais en présentait aussi une critique frontale qui le visait directement, critique d’une brutalité inouïe diraient certains, propre à provoquer un véritable « suicide universitaire » diraient d’autres sans avoir à faire preuve pour cela d’une grande faculté divinatoire. Rappelons que Sylvain Lévi a été considéré, « au lendemain de la Première Guerre mondiale, comme le maître incontesté de l’indianisme français dont le magistère national et international, en Europe et en Asie, n’a pas d’égal alors, en France, dans le champ des études orientalistes » (11). « Le premier des indianistes de l’époque » devait écrire Jules Bloch en 1937 (12). Il fut « la figure par excellence de l’orientaliste [et] la figure dominante du champ des études indianistes françaises pendant près de quarante ans jusqu’à sa mort soudaine en 1935. » (13)
Kejserens nye Klœder
En réalité – et si l’on nous permet de contextualiser à son tour le cas de Sylvain Lévi –, et malgré les mérites qu’il n’était pas sans avoir par ailleurs, S. Lévi devait surtout sa position universitaire à des circonstances, et en l’occurrence à la mort accidentelle d’Abel Bergaigne (1838-1888), titulaire de la chaire de langue et littérature sanscrite à la Sorbonne, et au fait qu’il y eut peu de candidats à sa succession. À vrai dire, quoique personne ne veuille le reconnaître encore aujourd’hui dans le milieu universitaire français parce qu’il est obligatoire d’admirer « les habits neufs de l’empereur » (Kejserens nye Klæder), et de vénérer le panthéon de papier des sorbonniots pour se légitimer soi-même (14), sinon le système s’effondrerait, alors qu’il est pourtant bien facile de le vérifier, Sylvain Lévi, homme aimable, modeste, dévoué et généreux au demeurant selon des témoignages unanimes, fut à la fois un médiocre indianiste et un piètre sanscritiste.
D’ailleurs, qui lit encore ses travaux devenus introuvables ? Et l’on parle ici d’un ensemble de 373 livres ou articles ! Personne en France ne veut les rééditer tant ils ont mal vieilli, et que leur criante faiblesse est venue au grand jour. À part le panégyrique amoureux quelque peu extravagant de Mme Lyne Bansat-Boudon à la mémoire de Sylvain Lévi (15), célébration de propagande suscitée par M. Ali Amir-Moezzi (16), qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Presque rien, on doit bien le reconnaître, et c’est heureux ajouterons-nous au regard des innombrables erreurs et des préjugés ineptes que ses écrits charrient d’abondance. Du point de vue « scientifique » précisément, ses traductions n’ont généralement à peu près aucun sens (17), prétendre le contraire relève de la supercherie. On peut même penser qu’il y avait chez Sylvain Lévi une véritable limitation cognitive, et qui en doute n’a qu’à lire son Inde et le Monde paru en 1928, ouvrage consternant de niaiserie (18).
Il faut toute la finesse d’un aliboron malvoyant pour croire sérieusement que l’on pourrait opposer Sylvain Lévi et ses travaux à l’œuvre de Guénon ou en faire son juge. Est-ce cette idée qu’avait eu M. Ali Amir-Moezzi en incitant Mme Bansat-Boudon à promouvoir le souvenir de Sylvain Lévi ? Ceux qui peuvent consulter le millier de pages manuscrites rédigées par Guénon pour ses études de sanscrit conduites par son Maître hindou et d’autres brahmanes des mouvements indépendantistes qui résidaient alors à Paris, savent qu’elles témoignent que, même dans ce domaine linguistique précis, il était largement supérieur à ce brave Lévi dont c’était prétendument la spécialité.
« Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous. » (Jean, II, 15)
Dès l’Avant-propos de sa thèse, Guénon affirme que les orientalistes n’ont jamais eu la mentalité voulue pour comprendre les doctrines hindoues, et que leurs travaux d’érudition sont « sans aucun intérêt pour la compréhension de la moindre idée vraie », puis dans la Conclusion qu’ils ne sont d’aucun secours et même un obstacle. Tout son ouvrage est à l’avenant, parcouru de critiques cinglantes, il foule aux pieds sans répit les orientalistes. Du début à la fin, « tout en respectant, bien entendu, les individualités qui peuvent le mériter à tous égards », il traite les orientalistes d’ignorants, d’incapables, d’être affligés de « myopie intellectuelle », et qualifie la plupart de leurs travaux de pure invention, d’opinions qui ne se fondent sur rien, de produits d’imagination trop fertile, d’incompréhension, de fausses assimilations dont ils sont coutumiers, de traductions grossièrement approximatives ou même tout à fait erronées.
Comme si tout cela n’était pas suffisant, il consacre même un chapitre à « L’orientalisme officiel ». Après avoir souligné « l’insuffisance de ses méthodes et la fausseté de ses conclusions », il considère qu’on ne saurait être trop sévère avec ses érudits. Certes, il disait ne « nullement contester la bonne foi des orientalistes, qui est généralement hors de doute », et rendait hommage « à la modestie très louable » d’une minorité d’entre-eux « ayant conscience des limites de leur compétence vraie », mais nonobstant ce respect des individualités, c’était néanmoins comme s’il avait traité les orientalistes allemands et français, professeurs au Collège de France, à l’École pratique des hautes études, à la Sorbonne ou ailleurs de parfaits imbéciles ou de semi-demeurés affligés du syndrome de Down sans le savoir.
Pour quelqu’un dans la position de Sylvain Lévi, et visé au premier chef, il y avait de quoi être profondément choqué, d’autant que Guénon le contredisait directement sur tous les points importants pour lui : rôle de la Grèce, du Bouddhisme, de l’histoire, etc. On peut dès lors l’admirer d’avoir trouvé la force d’âme et assez de largeur d’esprit pour néanmoins suggérer au doyen de donner son visa au travail de Guénon. Toutefois, son rapport, fort peu « scientifique » du reste, montre que s’il ne comprit pas la thèse de Guénon, il ne se laissa pas faire pour autant et ne resta pas sans défense face au tombereau de critiques déversé sur lui et ses collègues :
« Vous m’avez fait l’honneur de me désigner pour examiner le manuscrit de la thèse proposée par M. Guénon en vue du doctorat d’Université sur les systèmes philosophiques de l’Inde. J’ai lu ce travail avec intérêt. M. Guénon est un cas psychologique tout à fait original. Il s’est formé au sanscrit lui-même sans le concours de l’enseignement public ou privé ; il a découvert l’Inde tout seul et l’Inde ne l’a pas seulement captivé, elle l’a conquis. Il professe pour la “science officielle” et d’une manière générale pour l’Occident un mépris transcendant. De l’Inde même il entend exclure tous les éléments qui ne répondent pas à sa conception ; il déteste le bouddhisme autant que le protestantisme. L’esprit indien tient tout entier dans le système du Vêdanta. M. Guénon dépasse ainsi en intransigeance les plus rigoureux champions du brahmanisme orthodoxe qui ne refusaient pas une place, si humiliée qu’elle fût, aux systèmes rivaux. » Il lui reprochait ensuite, en se plaçant dans l’ordre transcendant, de faire « bon marché de l’histoire et de la critique historique qui lui apparaissent comme des inventions de cette “science officielle” qu’il ne cesse de maudire ; mais il est tout prêt à croire à quelque transmission mystique des vérités premières qui auraient apparu au génie humain dès les premiers âges du monde. Toutefois cet état d’esprit ne le dispose pas à une bienveillance spéciale pour la théosophie qu’il dénonce en compagnie de la “science allemande” comme les agents les plus malfaisants de l’erreur. M. Guénon n’entre pas dans les détails de la philosophie qu’il dédaigne ; il bâtit son système philosophique avec des matériaux indiens et son ouvrage est essentiellement une œuvre de polémique âpre et de dogmatisme intransigeant. » Il reconnaissait également son effort personnel de pensée comme nous l’avons cité précédemment, et engagea le doyen à accorder son visa. Quoique invité, celui-ci ne voulut point goûter au festin (Luc, XIV, 24) De la part d’un radical-socialiste, militant actif en faveur de la laïcité, ce n’est guère étonnant.
hjkl
« Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? » (Galates, IV, 16)
En relisant son Introduction générale, on constate que Guénon n’améliorait pas le menu proposé par les orientalistes, il affirmait qu’on ne pouvait rien en faire, que tout était avarié au dernier degré par l’incompréhension et l’idéologie. Il renversait la table en proposant une autre « table dressée », offrant les clefs d’un véritable savoir sur l’Orient. Répondant par avance à la dérisoire rengaine des universitaires sur la « scientificité », c’est-à-dire répondant à M. Borella, comme il l’avait déjà fait avec Sylvain Lévi qui n’avait pas non plus su le lire ni même le comprendre, il ne se soustrayait pas aux exigences universitaires en matière scientifique, il disait qu’il ne fallait pas confondre esprit « scientiste » et esprit scientifique :
« Malgré toutes les excuses que l’on peut ainsi trouver à l’attitude des orientalistes, il n’en reste pas moins que les quelques résultats valables auxquels leurs travaux ont pu aboutir, à ce point de vue spécial de l’érudition qui est le leur, sont bien loin de compenser le tort qu’ils peuvent faire à l’intellectualité générale, en obstruant toutes les autres voies, qui pourraient mener beaucoup plus loin ceux qui seraient capables de les suivre : étant donnés les préjugés de l’Occident moderne, il suffit, pour détourner de ces voies presque tous ceux qui seraient tentés de s’y engager, de déclarer solennellement que cela “n’est pas scientifique” parce que cela n’est pas conforme aux méthodes et aux théories acceptées et enseignées officiellement dans les Universités. Quand il s’agit de se défendre contre un danger quelconque, on ne perd généralement pas son temps à rechercher des responsabilités [« Est-il permis de faire une guérison le jour du sabbat ? » (Luc, XIV, 3)] ; si donc certaines opinions sont dangereuses intellectuellement, et nous pensons que c’est le cas ici, on devra s’efforcer de les détruire sans se préoccuper de ceux qui les ont émises ou qui les défendent, et dont l’honorabilité n’est nullement en cause. Les considérations de personnes, qui sont bien peu de chose en regard des idées, ne sauraient légitimement empêcher de combattre les théories qui font obstacle à certaines réalisations ; d’ailleurs, comme ces réalisations, sur lesquelles nous reviendrons dans notre conclusion, ne sont point immédiatement possibles, et que tout souci de propagande nous est interdit, le moyen le plus efficace de combattre les théories en question n’est pas de discuter indéfiniment sur le terrain où elles se placent, mais de faire apparaître les raisons de leur fausseté tout en rétablissant la vérité pure et simple, qui seule importe essentiellement à ceux qui peuvent la comprendre.
Là est la grande différence, sur laquelle il n’y a pas d’accord possible avec les spécialistes de l’érudition : quand nous parlons de vérité, nous n’entendons pas simplement par là une vérité de fait, qui a sans doute son importance, mais secondaire et contingente ; ce qui nous intéresse dans une doctrine, c’est la vérité, au sens absolu du mot, de ce qui y est exprimé. Au contraire, ceux qui se placent au point de vue de l’érudition ne se préoccupent aucunement de la vérité des idées ; au fond, ils ne savent pas ce que c’est, ni même si cela existe, et ils ne se le demandent point ; la vérité n’est rien pour eux, à part le cas très spécial où il s’agit exclusivement de vérité historique. La même tendance s’affirme pareillement chez les historiens de la philosophie : ce qui les intéresse, ce n’est point de savoir si telle idée est vraie ou fausse, ou dans quelle mesure elle l’est ; c’est uniquement de savoir qui a émis cette idée, dans quels termes il l’a formulée, à quelle date et dans quelles circonstances accessoires il l’a fait ; et cette histoire de la philosophie, qui ne voit rien en dehors des textes et des détails biographiques, prétend se substituer à la philosophie elle-même, qui achève ainsi de perdre le peu de valeur intellectuelle qui avait pu lui rester dans les temps modernes. D’ailleurs, il va de soi qu’une telle attitude est aussi défavorable que possible pour comprendre une doctrine quelconque : ne s’appliquant qu’à la lettre, elle ne peut pénétrer l’esprit, et ainsi le but même qu’elle se propose lui échappe fatalement ; l’incompréhension ne peut donner naissance qu’à des interprétations fantaisistes et arbitraires, c’est-à-dire à de véritables erreurs, même s’il ne s’agit que d’exactitude historique. C’est là ce qui arrive, dans une plus large mesure que partout ailleurs, pour l’orientalisme, qui a affaire à des conceptions totalement étrangères à la mentalité de ceux qui s’en occupent ; c’est la faillite de la soi-disant “méthode historique”, même sous le rapport de la simple vérité historique, dont la recherche est sa raison d’être, comme l’indique la dénomination qu’on lui a donnée. » (C’est nous qui soulignons)
« Vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient. » (Luc, XI, 52)
Doit-on croire, comme l’affirme M. Borella, que le refus de la thèse de Guénon « s’explique normalement et point n’est besoin d’invoquer ici des raisons d’“école” ». (p. 21) Lorsqu’on traite d’un ouvrage de Guénon, il est toujours nécessaire de le relire ; dans le cas contraire, on prend le risque de s’égarer dans le souvenir d’impressions fausses produites par des préjugés. Si M. Borella avait relu le texte dont il prétend parler, il aurait vu qu’il y avait bien une question d’école en jeu (19).
Guénon le disait nettement dans sa thèse : aux yeux des partisans de la « méthode historique », « la première condition pour pouvoir étudier les doctrines métaphysiques est évidemment de ne pas être métaphysicien ; de même, ceux qui l’appliquent à la “science des religions” prétendent plus ou moins ouvertement qu’on est disqualifié pour cette étude par le seul fait d’appartenir à une religion quelconque : autant proclamer la compétence exclusive, dans n’importe quelle branche, de ceux qui n’en ont qu’une connaissance extérieure et superficielle, celle-là même que l’érudition suffit à donner, et c’est sans doute pourquoi, en fait de doctrines orientales l’avis des Orientaux est réputé nul et non avenu. Il y a là, avant tout, une crainte instinctive de tout ce qui dépasse l’érudition et risque de faire voir combien elle est médiocre et puérile au fond ; mais cette crainte se renforce de son accord avec l’intérêt, beaucoup plus conscient, qui s’attache au maintien de ce monopole de fait qu’ont établi à leur profit les représentants de la science officielle dans tous les ordres, et les orientalistes peut-être plus complètement encore que les autres. La volonté bien arrêtée de ne pas tolérer ce qui pourrait être dangereux pour les opinions admises, et de chercher à le discréditer par tous les moyens, trouve du reste sa justification dans les préjugés mêmes qui aveuglent ces gens à vues étroites, et qui les poussent à dénier toute valeur à ce qui ne sort pas de leur école ; ici encore, nous n’incriminons donc point leur bonne foi, mais nous constatons simplement l’effet d’une tendance bien humaine, par laquelle on est d’autant mieux persuadé d’une chose qu’on y a un intérêt quelconque. » (C’est nous qui soulignons) (20)
« C’est aussi nous que tu outrages » (Luc, XI, 45)
D’après M. Borella, « on aurait pu concevoir que Guénon marquât plus sereinement ses distances avec l’orientalisme officiel, sans revendiquer pour lui seul une infaillibilité dont, en la matière, il n’a pas toujours témoigné » (p. 21). Magnanime, il trouve l’attitude de Guénon dans sa thèse d’autant plus regrettable qu’il reconnaît qu’il « a souvent raison dans les questions de principes ». Aussi généreux qu’il soit avec Guénon, M. Borella l’a bien mal lu et bien mal compris. On se demande pourquoi il le fustige ainsi gratuitement et d’où lui vient ce ressentiment. Il commet une injustice. Guénon n’a jamais revendiqué l’infaillibilité pour lui seul, et il a même écrit le contraire : « Ce qui est proprement infaillible, c’est la doctrine elle-même et elle seule, et non point des individus humains comme tels, quels qu’ils puissent être d’ailleurs ; et, si la doctrine est infaillible, c’est parce qu’elle est une expression de la vérité, qui, en elle-même, est absolument indépendante des individus qui la reçoivent et qui la comprennent. » (21)
Si nous comprenons bien M. Borella, Guénon a eu tort de s’en prendre si directement aux orientalistes. Bien entendu, et sachant que l’on a toujours raison au conditionnel passé, on peut concevoir ce que l’on veut, et imaginer qu’avec une autre attitude ou en présentant comme thèse L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, par exemple, au lieu de l’Introduction générale, il aurait vraisemblablement pu faire une belle carrière universitaire, à l’instar de celle de M. Borella sans doute, ou, plus certainement, beaucoup mieux encore.
S’il avait été moins intransigeant, plus mesuré et compréhensif, comme on nous le suggère, après 1921, une fois son doctorat obtenu, il aurait probablement été en position de conseiller les hommes politiques et des hauts fonctionnaires pour les aider à accomplir l’œuvre colonisatrice en cours dans le domaine culturel, tout en essayant de la modérer subrepticement. Il aurait même également pu être lui aussi, comme le fut Sylvain Lévi, un représentant officiel de la « science française », et parcourir l’Orient, à l’instar du même S. Lévi, pour, comme lui, y établir l’influence française... La plupart des orientalistes se réjouissent lorsque le gouvernement les désigne pour de telles missions. Qui ne veut pas être attaché culturel d’une ambassade française ? Ou directeur d’une Alliance française ou d’un institut culturel à l’étranger ? Où est le mal ? L’admiration des pharisiens et l’argent des deniers sont toujours bons à prendre pour certains. Pour un Oriental d’esprit traditionnel comme l’était Guénon dans sa nature réelle, cela aurait été tout simplement ce que l’on pourrait appeler de l’iscariotisme, c’est-à-dire de la traîtrise, de quelque côté qu’on l’envisage (22).
Il y a là un aspect de la contextualisation qui a complètement échappé à M. Borella et à bien d’autres, à savoir la mentalité du temps et le génie des lieux, en l’occurrence la nature et l’état des rapports entre l’Orient et l’Occident en 1920 en France. À l’époque du traité de Sèvres qui démembrait l’empire ottoman, il ne s’agissait de la part des grandes puissances occidentales, et en premier lieu la France et l’Angleterre, que de colonisation, de guerres d’invasion, d’occupation, de répression (des mouvements indépendantistes indiens, par exemple), de destruction, de pillages, c’est-à-dire de domination de l’Occident sur l’Orient. Si Guénon devait en traiter spécialement quelques années plus tard, en 1924, c’est évidemment parce qu’il y a une continuité logique entre l’Introduction générale et Orient et Occident : le premier appelait le deuxième.
L’unité de la conception
Comme tout livre, l’Introduction générale s’inscrit dans le temps, mais entendu comme un moment à partir duquel l’ouvrage est disposé de façon particulière pour agir à la fois immédiatement et dans toute la suite des évènements à venir. Sa configuration a pour but d’ouvrir à certaines possibilités et d’en fermer d’autres, c’est ce qu’indique notamment son allusion « à des rites de caractère et de portée proprement métaphysique » (ch. X), et qui était à peu près incompréhensible pour tout le monde à l’époque, mais qui devait prendre tout son sens par la suite. Ce qui prouve que Guénon avait ab initio une vision d’ensemble de son œuvre. Il le dit d’ailleurs clairement dans l’Avant-propos d’Orient et Occident : « La diversité des sujets que nous traitons dans nos études n’empêche point l’unité de la conception qui y préside, et nous tenons aussi à affirmer expressément cette unité, qui pourrait n’être pas aperçue de ceux qui envisagent les choses trop superficiellement. » L’Introduction générale participe avant tout d’un projet d’ensemble qu’il prépare et dont il est l’amorce, et qui va bien au-delà de la cause « occasionnelle » qui l’a vu naître (23). Évidemment, le point de vue individualiste ne voit que la cause « occasionnelle », c’est-à-dire les apparences.
M. Borella sait sans doute tout cela. Dans le texte suivant intitulé « Situation de l’œuvre de Guénon », mais datant de 1986, il déclare que « tout écrit est aussi un acte et un combat, vise un certain effet, une certaine transformation, un résultat déterminé. Dès lors qu’il intervient à un moment donné de l’histoire, dans un état particulier du monde et des forces en présence, il pèse dans un sens, fait alliance avec certaines forces et s’oppose à d’autres » (p. 40). À moins de supposer qu’il avait oublié en 2019 ce qu’il savait en 1986, pourquoi alors ne s’est-il pas interrogé sur les raisons profondes qui ont conduit Guénon à donner la forme qu’il a choisi à l’Introduction générale, avec les risques que cela impliquait au regard de sa finalité apparente en tant que thèse ? Croit-il qu’il s’agissait d’une maladresse ou d’une mauvaise appréciation de la part de Guénon ? Est-ce la cause « occasionnelle » – la thèse de doctorat – qui a aveuglé M. Borella au point de perdre de vue la cause réelle à l’origine de ce livre et la nature de sa véritable finalité ? Mais après tout, si on le suit sur sa pente, n’aurait-on pas pu non plus concevoir que le Christ marquât plus sereinement ses distances avec les pharisiens ? Les choses ne se seraient-elles pas mieux passées alors ? Serait-ce ce que nous aurions pu concevoir ?
Lux in tenebris
Si M. Borella considère manifestement que Guénon aurait était plus avisé de s’abstenir de mettre en cause les orientalistes dans l’Introduction générale, et même au fond qu’il eût été préférable qu’il devînt l’un d’entre eux dans une version de bon aloi, assez curieusement, il ne formule aucune autre appréciation sur ce livre, qui fut pourtant le premier publié par Guénon. On le sait, ce qui est tu est parfois aussi parlant que ce qui est dit. Il y a aussi que la déperdition de sens entre l’émetteur et le récepteur est souvent considérable. Que Guénon écrive dans cet ouvrage que ce qui l’intéresse « dans une doctrine, c’est la vérité, au sens absolu du mot, de ce qui y est exprimé » ne semble pas avoir trop retenu l’attention de M. Borella...
Doit-on alors supposer qu’il ne pense pas un très grand bien de ce livre ? Ni qu’il lui accorde beaucoup d’importance ? Voire qu’il faut l’envisager comme un échec au regard de son rejet par l’Université ? Il est pourtant un de ces « repères essentiels » dans une présentation comme celle qu’a voulu faire M. Borella. Il est vrai qu’il l’aborde un peu dans la suite de son livre, sur quelques points particuliers et de manière critique. Son intérêt incomparable et le fait qu’il contienne plus de véritable science que les livres de tous les orientalistes de son époque ne semblent pas l’avoir frappé : « La lumière luit dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont point reçue. » (Jean, I, 5).
Un siècle plus tard, aujourd’hui en 2021, que doit-on penser de cette Introduction générale, envisagée dans son ensemble ? Quelle valeur ce livre a-t-il encore ? Bien entendu, il y aurait trop à en dire pour que nous le fassions ici, mais puisque c’est le point mis en cause par M. Borella, nous relèverons qu’il aurait été juste de sa part de signaler qu’il est tout de même plutôt extraordinaire de constater que cent ans plus tard la critique de l’orientalisme par Guénon est restée tout aussi fondée et actuelle ! M. Borella n’a-t-il donc jamais entendu parler des études postcoloniales, et ne s’est-il pas posé la question des raisons de leur apparition ? S’il y a une continuité entre l’Introduction générale et Orient et Occident, c’est parce qu’il y en a une entre orientalisme et colonialisme. (24) Ce que...
Stanislas Ibranoff
(À suivre)
La suite de cet article est exclusivement réservée à nos abonnés ou aux acheteurs du numéro 21 des Cahiers de l'Unité

Le Jugement dernier
Rogier van der Weyden




Sylvain Lévi en 1922

Séminaire de Sylvain Lévi à l’École pratique des hautes études

Sylvain Lévi et son épouse, en 1922, à Shantiniketan, l’université internationale Vishva Bharati de R. Tagore. Il est sans doute inutile de préciser que Tagore et Gandhi n’ont jamais représenté l’Inde traditionnelle.
·


Jésus parmi les docteurs,
Maître des rois catholiques, 1495




M. Jean Borella © DR

Lettre de Sylvain Lévi à Fernand Divoire lui donnant l’adresse de Tagore en Inde

Jésus parmi les docteurs,
Maître des rois catholiques, 1495







La Chine découpée par les Empires occidentaux (la reine Victoria, le Kaiser Guillaume II, le tsar Nicolas II, Marianne) et le Japon. Illustration parue dans Le Petit Journal, 16 janvier 1898.
Achat de collection complète