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ÉDITORIAL René Guénon

Peinture de Van Orlin

              Pour ce dernier numéro de l’année 2017, qui clôt notre deuxième année de publication, nous remercions tous nos abonnés d’Italie, de Suisse, d’Espagne, du Canada, de France et d’ailleurs pour leur soutien. C’est grâce à eux que les Cahiers de l’Unité continuent de paraître. Nous espérons qu’ils nous garderont leur confiance pour l’année 2018. Nous invitons tous ceux pour qui le terme « traditionnel » a encore un sens à les rejoindre pour participer au maintien et au développement de la conscience de l'unité essentielle de toutes les formes traditionnelles.

 

Liber Mundi

               

            Nos lecteurs auront évidemment remarqué que notre formule éditoriale se distingue par la présence d’une iconographie abondante. Habitués aux pratiques du siècle dernier, nombreux sont ceux qui ne se sont jamais posés la question des rapports du texte et de l’image. En conséquence, ils ne voient dans l’image qu’une illustration du texte, auquel elle serait subordonnée. Ce n’est là qu’un point de vue étroit et une compréhension restreinte du dispositif iconographique. S’en tenir à cela serait une erreur, et reviendrait à méconnaître la véritable histoire du livre (1). Ce serait également ignorer le lien traditionnel qui existe entre le texte et l’image, où entre l’œil et l’esprit, c’est-à-dire la valeur cognitive de l’expression visuelle (2). On s’en doute, nous ne sommes pas des novateurs (3), et nos références en la matière, où texte et images sont liés, sont bien entendu celles des manuscrits d’avant l’imprimerie dans les diverses formes traditionnelles, et en l’occurrence ceux de l’Hindouisme, du Taoïsme (4), du Bouddhisme (5), du Judaïsme (6), du Christianisme (7) et de l’Islam (8). Il y a là une constante inter-traditionnelle significative ; c’est l’expression du fait que le Monde lui-même est un Livre écrit par la Main divine.

            Nous ne voulons pour l’instant qu’attirer l’attention sur ce point sans vouloir le traiter ici. On pourra déjà se reporter aux ouvrages cités en références (9). Nous nous bornerons simplement à faire remarquer que si l’appareil iconographique soutient l’édifice textuel, et de cette manière il peut être vu à titre illustratif, comme il l’est parfois, il n’est toutefois pas réductible à celui-ci. Non pas qu’il s’y opposerait où apporterait un discours concurrent ou divergent, car on aura compris que l’iconographie est un discours en soi, mais parce que le dispositif iconographique s’articule avec les textes en les interprétant par ses moyens propres, au-delà de ce qui est écrit. Il peut être une seconde lecture qui renforce ou ajoute au texte, apportant un surcroît de sens destiné à mieux rendre compte des réalités exposées par le texte. « Figurer, c’est transposer le sens dans une autre figure » (in aliam figuram mutare) disait Giovanni di Genova. Ainsi ce sont des figures exégétiques qui, du semblable au dissemblable, et à défaut d’amener éventuellement de la lectio à la contemplatio, peuvent ouvrir de nouvelles voies de compréhension, dans de multiples directions, comme les branches d’un arbre qui donneraient de nouveaux fruits hors la saison des récoltes.

            C’est l’occasion de préciser que les auteurs, en dehors de quelques exceptions ponctuelles, ne participent pas à l’iconographie, et qu’ils la découvrent souvent en même temps que les lecteurs. Ils ne sont ainsi responsables ni de l’iconographie ni des légendes qui l’accompagnent. Toutefois, on pourrait dire qu’ils les suscitent néanmoins. À cet égard, nous remercions M. Rupert Bouquet pour le travail de recherches qu’il effectue dans ce domaine.

 

Nomina

    

                À propos d’auteurs, nous rappellerons encore une fois que la revue est ouverte à tous sans exclusive, ce qui ne veut pas dire que tous peuvent être publiés, mais que seule importe pour nous la qualité des textes qui s’inscrivent dans notre ligne éditoriale. Ainsi nous ne nous préoccupons guère de l’individualité des auteurs à laquelle la plupart accordent une curiosité inutile par un trait typiquement moderne, et en inversant le point de vue traditionnel. Il n’est pourtant pas difficile de comprendre que la valeur doctrinale d’un texte ne se réduit pas à l’individualité de son auteur. Ceci est d’autant plus vrai quand la rédaction est le résultat d’une collaboration signée d’un seul nom, ou que la mise au point d’un texte connaît l’intervention de personnes différentes. On se souviendra de ce qu’écrivait R. Guénon à ce sujet : « la curiosité des noms est une des manifestations les plus ordinaires de l’“individualisme” moderne » ; et aussi : « L’“historicisme” de nos contemporains n’est satisfait que s’il met des noms propres sur toutes choses, c’est-à-dire s’il les attribue à des individualités humaines déterminées, suivant la conception la plus restreinte qu’on puisse s’en faire, celle qui a cours dans la vie profane et qui ne tient compte que de la seule modalité corporelle. »

               Dans le cas de notre revue, ce serait d’autant moins pertinent que la désignation d’un quelconque de ses collaborateurs « par un nom profane, même si elle est exacte “matériellement”, sera toujours entachée de fausseté, à peu près comme le serait la confusion entre un acteur et un personnage dont il joue le rôle et dont on s’obstinerait à lui appliquer le nom dans toutes les circonstances de son existence. » On devrait se souvenir que « contrairement à l’opinion vulgaire, le nom profane qui, étant attaché à la modalité la plus extérieure et à la manifestation la plus superficielle, est le moins vrai de tous. » C’est donc une erreur que de vouloir s’efforcer de tout ramener aux proportions de l’individualité humaine vulgaire, nous voulons dire de la portion restreinte qu’en connaissent les profanes, et de nier tout ce qui dépasse ce domaine étroitement borné. (10)

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Centenaire de la mort d’Ivan Aguéli​

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           L’année 2017 marque le centenaire du décès d’Ivan Aguéli. Au regard du rôle initiatique qu’il a joué auprès de René Guénon et de leur amitié, il était naturel de publier un texte qui lui est consacré. Afin de rendre hommage à sa mémoire, le fils d’un de nos collaborateurs propose un exemple d’échanges intellectuels entre Ivan Aguéli et René Guénon à partir de lettres inédites. Nous publions aujourd’hui le début de la première partie de cette étude qui s’étendra sur les prochaines livraisons de l’année à venir.

              On sait que toute quête spirituelle est unique et ne peut guère être réellement comprise de l’extérieur, ainsi il ne convient pas de prétendre juger facilement de celle si particulière d’Aguéli. Il y a une parole prophétique bien connue qui recommande d’être « dans cette vie comme un étranger ou un vagabond », c’est ce que fut Aguéli : un étranger à ce monde. Le plus étonnant dans son cas est qu’il était issu d’une région défavorisée d’un point de vue traditionnel et intellectuel, et qu’il se trouva ensuite immergé dans des milieux généralement peu favorables à la spiritualité, notamment ceux de la politique et des beaux-arts ; en dépit de cela il parvint à trouver son chemin vers l’essentiel. Il était comme l’héliotrope qui malgré les ombres et la pluie se tourne toujours vers le soleil.

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Julien Arland

Directeur littéraire

RN 10
RN 1 a 9
citation

Pour citer cet article :

Julien Arland, « Éditorial », Cahiers de l’Unité, n° 8, Octobre-novembre-décembre, 2017 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2017  

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