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citationRègne

À propos d’une prétendue « Ã‰dition définitive Â»

(1re partie)

plan
Le Règne de la Quantité édition définitive

Le règne de la quantité et les signes des temps

Édition définitive établie sous l'égide de la Fondation René Guénon

par René Guénon, 

306 pages, Collection Tradition, nrf, Gallimard, Paris, 2015.

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Étude critique (1re partie)

PLAN

Une nouvelle édition du Règne de la Quantité 

Une contradiction avérée

Luc Benoist, qui eut l'idée de la collection “Tradition”, condamna les conceptions et la méthode de M. Laurant

Les erreurs de M. Laurant

Pourquoi avoir ajouté une « Annexe » au Règne de la Quantité ?

Les innovations blâmables de l’« Édition définitive » :

        1) Leibnitz ou Leibniz ?

        2) L’altération de l’écriture des titres des livres

        3) Quelques remarques

Deux précédents :

        1) Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion 

        2) Le Symbolisme de la Croix

Robert Amadou, Noële Maurice-Denis Boulet et Michel Vâlsan

une nouvelle édition
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Conceptions et méthodes de Laurant

Une nouvelle édition du Règne de la Quantité

 

          L’« Édition définitive établie sous l’égide de la Fondation René Guénon » (p. 7) du Règne de la Quantité et les Signes des Temps a été publiée chez Gallimard, collection “Tradition”, en juin 2015.

     Dans l’« Annonce » placée en tête du livre, on apprend que cette « Fondation » (1) « est en cours de création » (p. 9), mais on ne nous informe pas pourquoi il en est ainsi depuis plusieurs années. On lit notamment qu’elle « a pour objet de rassembler sous son égide l’ensemble des ouvrages et documents constituant l’œuvre intellectuelle de René Guénon, afin d’en assurer la diffusion ‒ éditoriale et autre ‒ dans les meilleures conditions » (p. 9). On apprend également « qu’elle a désormais repris les droits éditoriaux des treize titres de René Guénon édités jusqu’ici par les Éditions Traditionnelles ».

       Cette même « Fondation » « déclare expressément n’être liée à aucune religion particulière, ni à aucun mouvement, école, groupe ou parti, quels qu’ils soient.

         Elle affirme n’avoir pas davantage pour but ni pour mission de s’impliquer, à quelque titre ou degré que ce soit, dans le domaine des prolongements contemporains ‒ d’ordre intellectuel ou autre ‒ de l’œuvre de René Guénon » (p. 10).

       On ne pouvait a priori que se réjouir de savoir qu’une nouvelle publication des livres de René Guénon allait enfin offrir aux lecteurs toutes les garanties d’une véritable « Édition définitive ». Malheureusement, à la lecture de ce premier travail, on est obligé de douter que « les meilleures conditions » aient effectivement été réunies.

 

Une contradiction avérée

 

             Les deux derniers paragraphes que nous venons de reprendre, et qui proviennent de l’« Annonce », contiennent des déclarations tout à fait explicites. Celles-ci sont cependant contredites par le contenu de la « Note » (p. 291), et, surtout, par celui de l’« Annexe » (pp. 293-302). En effet, bien que ces textes additionnels ne soient pas signés, les idées qui y sont développées, la méthode et la terminologie dont on se sert sont immédiatement reconnaissables et ne laissent aucun doute sur leur source d’“inspiration” : elles proviennent de M. Jean-Pierre Laurant, de ses études, et du “courant” dont il est à l’origine pour interpréter la vie et les écrits de René Guénon. Cela ne signifie pas que M. Laurant soit nécessairement l’auteur de l’« Annexe » ; il y a suffisamment d’écrivains qui se réclament de lui pour que celle-ci ait été écrite par l’un, ou par plusieurs d’entre eux, avec ou sans sa collaboration expresse. Toutefois, dans la mesure où elle émane de la « Fondation », tous ses membres en sont de fait, si ce n’est en droit, coresponsables, et doivent donc être considérés comme ses coauteurs.

           Nous apporterons dans notre travail des preuves de ce que nous avançons dès maintenant. Et si certains doutent malgré tout du bien-fondé de nos premières affirmations, ils peuvent se rapporter désormais à la dédicace contenue dans un livre récent [2]. Son auteur, qui joue un rôle décisif dans cette « Fondation », écrit dans un français plus qu’approximatif (3) : « Je tiens à remercier toute ma gratitude (sic !) à la Fondation René Guénon… à mon ami Jean-Pierre Laurant, à mon ami Jean-Pierre Brach… à mon ami Jérôme Rousselacordaire (sic !) » (4). Le lien entre la « Fondation » et trois responsables de la revue Politica Hermetica (5), dont M. Laurant est le Directeur scientifique, M. Brach, le Rédacteur en chef, M. Rousse-Lacordaire, un membre du Comité de rédaction est ainsi nettement établi, comme il l’est entre elle et deux enseignants, ancien et actuel, à l’École Pratique des Hautes Études. Il est donc faux, voire mensonger, de laisser accroire que la « Fondation » serait “neutre” vis-à-vis de tel « mouvement, école, groupe », et qu’elle ne cautionne aucun « prolongement » « d’ordre intellectuel (?) ». Son recours aux idées et à la méthode utilisées par M. Laurant et consorts est en contradiction totale avec son engagement et son impartialité affichés. 

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Luc Benoist, qui eut l’idée de la collection “Tradition”, condamna les conceptions et la méthode de M. Laurant

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            Quelles sont les conceptions et la méthode de M. Laurant ? Une étude détaillée pourra être consacrée ailleurs à ces questions. Ce qu’il importe dès à présent de savoir ‒ « curieuse ironie des choses » ! (6) ‒, c’est qu’elles ont été sévèrement condamnées par celui-là même qui eut l’idée d’une collection réservée aux livres de René Guénon chez Gallimard, collection inaugurée par la publication du Règne de la Quantité en 1945 (7), et dans laquelle paraît aussi la prétendue « Édition définitive ». En effet, Luc Benoist publia dans les Études Traditionnelles (8) un compte rendu de l’article de M. Jean-Pierre Laurant intitulé : « Le problème de René Guénon ou Quelques questions posées par les rapports de sa vie et de son œuvre » (9). Nous reprenons ce qui est en rapport avec notre sujet (10) : « Il est déjà très remarquable que M. Laurant, professeur et universitaire, ait attaché assez d’importance à l’œuvre guénonienne pour en étudier les sources, serait-ce, comme lui, du plus modeste point de vue et du plus extérieur. On peut regretter qu’il ait dans ce travail emprunté ses moyens d’approche à la plus dérisoire des écoles de critique historique, celle de Taine, aussi officielle que fausse, et heureusement en défaveur, qui cherche dans la vie d’un écrivain l’inspiration de son œuvre, alors que l’œuvre est souvent le complément, la réaction inversée, la revanche contre la vie. […] D’ailleurs rien ne saurait être plus contraire à la position de Guénon lui-même, vis-à-vis de son œuvre, que le rapprochement de cette dernière avec sa vie, alors qu’il avait volontairement protégé cette œuvre de toute compromission terrestre. Et si tout critique est libre d’établir les bases de son travail comme il lui convient, tout au moins devrait-il respecter la pensée de l’auteur qu’il a choisi, même s’il se place à un point de vue opposé. C’est pourquoi on ne saurait souscrire à la prétention de M. Laurant qui suppose “saisir la réalité profonde de la démarche guénonienne” en la limitant aux différents cercles de personnalités, occultistes, catholiques, maçonniques, hindoues ou musulmanes qui l’ont fréquenté ou qu’il a lui-même connues, alors que sa démarche profonde a été dès ses débuts inverse et  “centrifuge”, pour aboutir très logiquement à son départ définitif pour l’Égypte.

            Il est faux de prétendre que la pensée guénonienne s’identifiait avec la mentalité des groupes auxquels il s’opposait, car si pour combattre efficacement quelqu’un il faut se placer sur le même terrain et employer sa langue, c’est tout autre chose que partager son point de vue. Or c’est avec prédilection que M. Laurant s’attarde aux débuts de notre auteur, aux épisodes de La Gnose, de l’Ordre du Temple, de Regnabit, à ces années de formation que Gué­non n’aimait pas qu’on lui rappelle, dit M. Laurant, pour la bonne raison qu’il avait éprouvé l’inutilité de ces anciennes démarches qui avaient pour but non de s’informer, mais au contraire de redresser les erreurs des différents groupes “néo-spiritualistes” ou religieux alors fréquentés.

            Prétendre qu’au moment de la Crise du Monde moderne Guénon n’envisageait pas encore la distinction ésotérisme-exotérisme parce que...

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P. B.

(À suivre)

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Cet article n'est plus en libre accès.

Il est contenu dans l'édition imprimée du numéro 3

et du Recueil annuel 2016 des Cahiers de l'Unité

contradiction avérée
Règne de la Quantité 1ère édition 1945

Première édition (1945)

Asia Mysteriosa
Règne de la Quantité édition 1970

Édition 1970

Pour citer cet article :

P. B., « Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps : À propos d'une prétendue "Édition définitive" Â», Cahiers de l’Unité, n° 3, juillet-août-septembre, 2016 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2016  

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