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LE CENTRE SUPRÊME-II

Le Centre suprême

‒ I I ‒

Bogdo Khan Mongolie

Bogdo Khan

Plan
les 3 fonct + lamaïsme + N1

PLAN

II â€’ Les trois fonctions suprêmes dans le Lamaïsme

Lamaïsme et Bouddhisme tantrique

Les trois fonctions

Fonction spirituelle du Je-tsun Dam-pa hutukhtu

Les trois grands Lamas

La question des langues

RN 2
RN 3
R N 4 Les 3 fonctions
R N 5 A 6
RN 7 A 9
RN 9 & 10
R N 11 & 12
Jetsun Dampa Hutukhtu Mongolie

Le VIIIe Jetsun Dampa Hutukhtu

Târanâtha

Târanâtha

(1575-1634)

Le roi du Bhutân

Le roi du Bhutân (1906)

IXe Jetsun Dampa

Le IXe Jetsun Dampa

(1933-2012)

II â€’  Les trois fonctions suprêmes dans  le Lamaïsme

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Lamaïsme et Bouddhisme tantrique

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             À propos du vocable « Lamaïsme » que nous employons ici, nous signalerons qu’en 1947, dans le compte rendu de Peaks and Lamas (1), René Guénon remarque « que M. Pallis n’accepte pas le terme de “Lamaïsme”, qui comporte, en anglais, paraît-il, une certaine nuance péjorative ; nous devons dire, ajoute Guénon, qu’il ne semble pas en être ainsi en français, si bien que, pour notre part, nous n’avions vu jusque là aucun inconvénient à l’employer à l’occasion ; il est vrai que ce n’est qu’une dénomination purement conventionnelle [...]. On peut sans doute se contenter de parler tout simplement de Bouddhisme tibétain, et peut-être est-ce ce qui vaut le mieux après tout ; il doit être bien entendu, en tous cas, que ce Bouddhisme présente des particularités qui le distinguent nettement des autres formes, non seulement du Bouddhisme en général, mais même du Mahâyâna dont il est une branche. » Dans le compte rendu suivant sur L’Église jaune, Guénon trouvera utile de préciser que l’auteur, contrairement à Pallis, emploie volontiers le terme « Lamaïsme » (2).

                 Selon Mme Dany Savelli : « Le terme “lamaïsme” dérive du tibétain lama (signifiant un “maître”) et désigne la forme tibéto-mongole du Vajrayana (ou Véhicule du Diamant), qui, issu de la combinaison vers le VIIe siècle du bouddhisme Mahâyâna et du tantrisme indien s’est répandu d’abord en Inde, puis au Tibet, en Mongolie, en Chine et au Japon. A partir des années 60, les orientalistes ont moins eu recours à ce terme à la suite de l’usage fortement dépréciatif qu’en firent en 1959 les autorités chinoises : celles-ci déclarèrent en effet que le “lamaïsme tibétain” n’était qu’une forme corrompue de bouddhisme et ne pouvait, pour cette raison, être préservé et défendu comme une valeur culturelle. Suivant la proposition du dalaï-lama à ses adeptes, l’on a préféré parler de variantes nationales (tibétaine, mongole, bouriate, kalmouke ou encore touva) du bouddhisme. Ajoutons qu’au XIXe siècle, le mot “lamaïsme” créé par les orientalistes occidentaux servit à dénoncer le bouddhisme tibétain comme forme dépravée et inauthentique du bouddhisme. Sur ce dernier point, voir Donald S. Lopez, Fascination tibétaine. Du bouddhisme, de l’Occident et de quelques mythes, trad. franc. Paris, pp. 29-61, 2003). Malgré toutes ces réserves, le terme “lamaisme”, largement employé aujourd’hui encore, demeure un terme commode, surtout lorsque, comme dans ce volume, on est amené à parler des bouddhismes bouriate, kalmouk et touva qui relèvent tous du bouddhisme tibétain. » (3)

                    Sans évidemment contester l’importance fondamentale du rôle joué par le Tibet dans le Lamaïsme mongol, il n’est sans doute pas tout à fait exact, pour la période qui nous occupe, c’est-à-dire lors des première décennies du XXe siècle, avant les invasions chinoise et russe de la Mongolie, de vouloir appliquer systématiquement à celui-ci, ainsi qu’aux autres formes du Lamaïsme, un point de vue et des catégories strictement tibétaines. Il nous semble que l’appellation générique de « Bouddhisme tantrique » conviendrait mieux, et c’est dans ce sens que nous entendons la désignation « Lamaïsme » dans notre texte où nous emploierons indistinctement l’une ou l’autre désignation. Rolf A. Stein, Professeur au Collège de France, et auteur, notamment, d’un intéressant ouvrage sur le Tibet, considérait d’ailleurs qu’il n’y a pas à réviser cette appellation à cause du rôle exceptionnellement important joué par le Lama (bla-ma), mot qui désigne les maîtres (guru)(4)

 

Les trois fonctions

 

             Plusieurs descriptions de la hiérarchie du Lamaïsme, provenant de différentes sources qu’on ne peut récuser, dont le Tilopa Hutukhtu lui-même, contredisent totalement les assertions de Pallis selon lesquelles : « L’allusion dans Le Roi du Monde, basée sur des affirmations d’Ossendowski, à un “ternaire” dans le Lamaïsme dont le Lama d’Urga serait le troisième membre, ne correspond non plus à aucune réalité. Historiquement, et aussi en considération de leurs rapports “mythologiques”, le Dalaï-Lama et le Panchen-Lama tiennent ensemble ; il n’a jamais été question d’aucun autre associé ni d’une troisième fonction complémentaire quelconque. » En note, il reconnaît cependant : « Parmi les Lamas principaux du Tibet il est conventionnel d’accorder la troisième place au Sakya-Lama parce que celui-ci, à l’époque de la domination mongole, avait été nommé vice-roi du Grand Khan pour la région tibétaine. » Mais il ajoute : « Cet état a continué sous la dynastie mongole en Chine, mais s’est terminé avec l’avènement au pouvoir d’une dynastie purement chinoise, les Ming. En tout cas il ne s’agit encore ici d’aucune question fonctionnelle. »

             Marco Pallis, qui aurait mieux fait de demander au Tilopa Hutukhtu de l’instruire à ce sujet, a commis plusieurs erreurs. L’avènement dont il parle a eu lieu en 1368 alors que la formation du ternaire supérieur de la hiérarchie extérieure du Lamaïsme ne s’est fixée qu’après la réadaptation traditionnelle de Tsong Khapa (1357-1419), c’est-à-dire après le XIVe siècle ! La fonction manifestée sous le titre de Dalaï-Lama apparaît extérieurement avec son premier représentant (1391-1475) au XVe siècle, mais le titre lui-même, d’origine mongole, ne sera porté qu’à partir de son troisième détenteur (1543-1588) qui l’attribuera rétroactivement à ses prédécesseurs. Celle du Panchen-Lama est déclarée à l’extérieur en 1642 avec son quatrième détenteur par le cinquième Dalaï-Lama, qui fonde le Potala en 1645. Quant à la fonction et au titre de Jetsun Dampa (Tib. རྗེ་བཙུན་དམ་པ་ Rje btsun dam pa), ils seront déclarés pour la première fois aux alentours de 1649, le représentant de cette fonction était considéré comme le tulku (Tib. sprul sku ; sanskr. nirmanakaya) de Târanâtha (1575-1634), un saint appartenant à l’ordre Sakyapa(5)

            Nous venons de dire que le ternaire des fonctions suprêmes du Lamaïsme fut attesté par le Tilopa Hutukhtu lui-même. Voici en effet ce qu’il indiqua à ce sujet en 1951 : « Les Incarnations les plus révérées sont celles du Dalaï-Lama et celles du Panchan-Lama au Tibet. L’Incarnation la plus révérée en Mongolie Extérieure était celle du Jebtsundamba Hutukhtu de Urga. » (6) Marco Pallis semble bien être le seul à n’avoir jamais eu connaissance des nombreux textes qui confirment la réalité de ce ternaire. Nous pourrions citer plusieurs orientalistes, mais comme leurs références pourraient à la rigueur être contestées, nous mentionnerons trois auteurs très différents dont les sources furent directes. Ainsi, le Bouriate Gobonjab Tsebekovitch Tsybikov, au chapitre 9 d’Un pèlerin bouddhiste dans les sanctuaires du Tibet (7) parle des « trois grands lamas : le panchen-lama, le dalaï-lama et le khutukhtu d’Ourga. » Le Russe Nicolaï Prjevalski, dans son Voyage en Mongolie et au pays des Tangoutes (8) écrit : « Au-dessus du houtouktou d’Ourga, dans la hiérarchie bouddhiste, il n’y a que le Ban-tchin-erdem [le Panchen-Lama] et le Dalaï-Lama de Lhassa. » Au chapitre 10 de The Buddhism of Tibet, or Lamaism (9), l’Anglais Laurence Austin Waddell, qui prenait ses informations auprès de Lamas tibétains et mongols, indique : « Les plus grands Lamas, après les grands Lamas de Lhassa et de Tashi-Lumpo [c’est-à-dire le Dalaï-Lama et le Panchen Lama] sont le grand Lama de Mongolie à Urga, le Sas-kya Lama, et le Dharma Râja du Bhutân, ce dernier étant pratiquement indépendant de Lhassa. » (10) Il précise que le Sas-kya Lama de Mongolie à Urga-Kure, dans le pays Khalka, est appelé Je-tsun Dam-pa, c’est bien sûr le « Djebtsung Damba Houtouktou Khan, Bogdo Gheghen, pontife de Ta Kure » rencontré par Ossendowski. Comme ces Lamas représentent avant tout des fonctions et qu’ils appartiennent à la même forme traditionnelle, il y a forcément, par nécessité logique, des relations entre ces fonctions.

                 Depuis 1924, cette troisième fonction n’avait plus de représentant extérieur : est-ce là ce qui explique la surprenante ignorance de Pallis ? Après la mort du huitième Jetsun Dampa Hutukhtu, le 20 mai 1924, le Comité Central du Parti Populaire Mongol fit circuler la rumeur selon laquelle il avait été le dernier Jetsun Dampa Hutukhtu. En février 1929, toutes désignations de successions, non seulement du Jetsun Dampa, mais de tous les Hutukhtus furent strictement interdites par le régime communiste. (11) Toutefois, en 1936, un garçon tibétain de quatre ans fut reconnu en secret IXe Bogdo Gegen. Son identité fut gardée secrète par le Dalaï-lama jusqu’en 1990. Il bénéficia de plusieurs investitures à partir de 1991 en Inde et en Mongolie. (12)

 

Fonction spirituelle du Jetsun Dampa Hutukhtu

 

Il n’est guère possible non plus de suivre Pallis quand il se contente d’affirmer que le Bogdo-Khan « n’a aucun rapport avec l’esprit du Bouddha Amitâbha ni avec le Bodhisattva Chenrezig (Avalokitêshwara) », sans fournir aucune autre explication, ...

C. G.

(À suivre)

 

 

La suite de cet article est contenue

dans l'édition imprimée du numéro 6

des Cahiers de l'Unité

Citation

Pour citer cet article :

C. G., « Le Centre suprême (II), les trois fonctions suprêmes dans le Lamaïsme Â», Cahiers de l’Unité, n° 6, avril-mai-juin, 2017 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2017  

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