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Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
ÉDITORIAL René Guénon
L’Océan primordial révèle Brahma, Vishnu et Shiva
(Aquarelle et or sur papier, musée de San Diego, 1835)
La cosmologie de l’Eau
C’est la traduction du chapitre XX du livre d’Ananda K. Coomaraswamy, Yakṣas ; Essays in the Water Cosmology (Yakshas, essais sur la cosmologie de l’Eau) que nous propose ici M. Max Dardevet. Cet ouvrage a été réédité dans une version révisée et augmentée en 1993 par l’Indira Gandhi National Centre for the Arts à Delhi, et constitue le sixième volume de son programme de publications des Œuvres complètes d’A. K. Coomaraswamy (1).
Yaksas a été initialement publié en deux parties (1928 et 1931) par la Freer Gallery of Art de la Smithsonian Institution. Par la suite, Coomaraswamy repensa son sujet (2) et rassembla un important matériel iconographique et littéraire qui lui permit de reconstituer une cosmologie pré-védique à laquelle les Yakshas, qui sont un ensemble de divinités pré- et non-védiques, étaient intimement associées. Dans la première partie, il a examiné leur origine dans le contexte de la littérature védique, brahmanique et upanishadique, ainsi que les interprétations occidentales soutenues par des auteurs tels que James Fergusson (3) et J. Ph. Vogel (4).
À partir de sources littéraires et archéologiques, il a réuni suffisamment d’éléments pour dessiner l’image d’une antique période traditionnelle se rapportant aux Yakshas et Yakshis. Après avoir traité des divers niveaux d’interprétation du motif artistique, il a fait apparaître la cosmologie de l’Eau sous-jacente à ce qui ne semblait être que des divinités mineures ou des dieux tutélaires, voire seulement des motifs ornementaux. Il a ainsi mis en évidence que les Yakshas ne contrôlent pas simplement les Eaux en tant qu’elles constituent le domaine aquatique, mais qu’ils sont l’essence même des Eaux, lesquelles ne font qu’un avec le symbolisme du serpent, de l’arbre et de l’Amrita, l’élixir d’immortalité des Devas.
Coomaraswamy ne s’est pas limité à la littérature hindoue sur la cosmologie de l’Eau, mais a également effectué des rapprochements avec de nombreuses traditions anciennes, notamment celles de l’Égypte et de l’Iran. À travers l’examen des sources de cette cosmologie et des Yakshas, il a abordé un autre thème de l’art indien, à savoir le Mithuna. Il a montré le lien entre la cosmologie de l’Eau, les Yakshas, et l’idée de l’union de la dualité productive (Mithuna), non seulement en rapport avec Varuna (Ouranos), mais aussi avec d’autres thèmes connus des traditions indienne et occidentale, tels que ceux du Saint-Graal et de l’Arbre de Vie.
Au regard de l’importance de cet ouvrage, la traduction de M. Dardevet constitue un évènement. Nous espérons qu’elle est l’annonce de la traduction complète de ce livre majeur dans l’œuvre de Coomaraswamy.
Les états posthumes
Les modernes qui se targuent d’un progrès des connaissances dans tous les domaines sont extraordinairement incapables de dire quoi que ce soit de sensé sur le devenir posthume de l’être humain. Ce qui ne rend que plus tragique leur vie et leur mort. Il est vrai que certains, pour se rassurer et se consoler, ont inventé diverses fables puériles et sentimentales qui ne reposent strictement sur rien. Ce n’est pas le cas dans les formes traditionnelles qui ont toutes des doctrines sur la vie posthume et ses différents états. Contrairement à ce que prétendent les ignorants, il n’y a pas là une extinction dans le néant ni un mystère impénétrable de l’existence humaine. C’est cette question de la condition posthume qu’aborde maintenant M. Houberdon en traduisant divers textes d’Ibn Arabî, et en posant la question de la conciliation de la doctrine islamique sur ce sujet avec celle de la conception générale hindoue.
Les illusions fatales : Auroville et Satprem
Après avoir montré que l’influence spirituelle d’Aurobindo – qui avait été rattaché à la lignée initiatique tantrique de Srî Bhâsurânandanâth (5) par Swamî Brahmânandanâth – cohabitait avec les germes d’une dérive hétérodoxe introduits par Mirra Alfassa et son entourage, M. Gorlich traite maintenant de la déviation définitive de son ashram. Après la mort d’Aurobindo, l’infestation des éléments antitraditionnels proliféra pour finalement donner naissance à cette monstruosité qu’est Auroville, contrefaçon et inversion grotesque à la fois du Paradis terrestre et de la «Terre promise».
Dupés et piégés sans même s’en apercevoir au sein d’un grand jardin faussement «édénique», les Occidentaux à Auroville ont été ainsi privés de l’accès à toute doctrine et méthode permettant le Salut ou la Délivrance. Il faut remercier M. Gorlich d’avoir enfin dévoilé la nature de cette nasse anti-traditionnelle qui continue encore aujourd’hui de détourner la vocation spirituelle de certains pour les mener à leur perte.
Il faut également le saluer pour avoir mis en lumière le rôle du dangereux mythomane halluciné qu’était Bernard-Satprem Enginger. Les consternants témoignages sur son emprise psychologique, qui révèlent un Satprem plus ou moins néo-fasciste, antisémite, et exploiteur sans scrupule, attestent que «l’évolution expérimentale» de son fumeux «mental des cellules» ne conduisait pas à cet inquiétant surhomme qu’il annonça sans cesse, mais au malheur, au désespoir, au suicide et à la mort ceux qui l’écoutaient et le suivaient.
Recours apparent et rejet effectif
À l’occasion de la parution de son ouvrage Le recours à la Tradition. La modernité : des idées chrétiennes devenues folles (Paris, 2022), son auteur, M. Michel Michel, disait aspirer à une disputatio. Son vœu a été exaucé par M. Laurent Guyot. Nous espérons qu’il saura en tirer profit. Comme il a déclaré également dans son livre qu’il était disposé à ce que l’on mette en cause ses carences (p. 101), et qu’il était prêt à subir une correction fraternelle dans le cas d’une compréhension déficiente de l’œuvre de Guénon, notre collaborateur la lui a administrée, peut-être un peu sévèrement, mais toujours de manière juste, ample et précise. Ce qui lui a donné l’opportunité d’offrir de nouveaux éclairages sur l’ésotérisme chrétien, comme à propos du groupe du «Buisson Ardent de la Vierge» (Rugul Aprins) dans l’Orthodoxie roumaine ainsi que, notamment, d’une mise au point sur le statut des formes traditionnelles de statut secondaire.
À l’instar de M. Michel, l’erreur de nombreux catholiques est de croire que la modernité serait issue d’idées chrétiennes devenues folles. Ce n’est pas le cas ; cette conception est fausse. La modernité n’est pas qu’anti-chrétienne, elle tout à fait en dehors du Christianisme. Elle le déclare elle-même : elle est sans Dieu. Selon M. Guyot, « on ne peut même plus dire qu’elle serait encore seulement humaniste, au sens où elle réduirait tout à des proportions purement humaines et nierait tout principe transcendant, parce qu’elle est foncièrement inhumaine. » En effet, sa véritable origine est « infernale ».
On rapprochera cette origine, dont seule l’œuvre de Guénon permet de comprendre la véritable signification, du fait que dans sa forme finale la société moderne sera le reflet inversé et parodique de la Tradition primordiale. Comme l’a remarqué M. Gorlich, si Auroville, située dans un grand jardin faussement « édénique » où ses habitants sont détachés des formes traditionnelles, est l’avant-garde d’une phase encore plus avancée de la descente cyclique en tant qu’inversion du Paradis terrestre et contrefaçon de l’état édénique, on peut se poser la question du sens réel revêtu par l’émergence d’une certaine idéologie écologiste. La modernité étant ce qu’elle est, ne s’agirait-il pas ainsi d’une nouvelle étape de l’action anti-traditionnelle où l’horreur de l’industrialisation du monde serait remplacée par une autre horreur plus monstrueuse encore ?
RN 1 et 2
Srî Kubera,
roi des Yakshas et des Yakshis et protecteur du Monde (Lokapâla).
RN 5
RN 3 et 4
Julien Arland
Directeur littéraire
citation
Pour citer cet article :
Julien Arland, « Éditorial », Cahiers de l’Unité, n° 27, juillet-août-septembre, 2022 (en ligne).
© Cahiers de l’Unité, 2022
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