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ÉDITORIAL René Guénon

Max Dardevet 1974.png

Max Dardevet en 1974

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Max Dardevet

Hommage à Max Dardevet

        Notre avons le grand regret d’informer nos lecteurs que notre ami et collaborateur Max Dardevet est mort soudainement d’une crise cardiaque le 30 novembre 2022.
        Il était né au Congo en 1949. Ses parents y avaient une entreprise de briquetterie. Il y a vécu une dizaine d’années avant que sa famille ne revienne en France. Il s’est marié en 1984, et a obtenu une maîtrise de philosophie en 1986, puis, sensible aux questions artistiques, il rédigea un mémoire sur l’esthétique et l’éthique en 1992.
      Max avait vingt ans dans les Années 1970. Si on a nommé les années 1920 les Roaring Twenties, les « Années rugissantes », en référence aux quarantièmes rugissants qui sont les zones de tempêtes des quarantièmes degrés de latitude sud dans l’océan Austral, cette désignation conviendrait tout aussi bien aux « Années folles » que furent les Années 1970. Pour un homme à vocation spirituelle, cette époque était celle de tous les dangers et il fallait savoir naviguer si on ne voulait pas sombrer dans les abîmes qui venaient de s’ouvrir. Ce fut le cas de Max, au propre comme au figuré, et s’il ne se perdit pas comme tant d’autres, c’est que sa boussole était l’enseignement de René Guénon.
       Si nous avons évoqué les tempêtes, c’est qu’il est plus difficile de dompter le mental et les sens que d’enchaîner le vent. C’est pourtant à cela que le portera la nature de Max, toute d’intériorité. Il se rattachera ainsi, sous l’influence de l’enseignement de Taisen Deshimaru (1941-1982), à l’école Sôtô, la branche japonaise de l’ésotérisme du Bouddhisme mahâyâna. Il ne sera pas le seul lecteur de Guénon à être attiré par la voie et le charisme de ce moine japonais arrivé en France en 1967 (1), et qui y implantera de manière durable la « méditation silencieuse » en posture assise héritée du Chán (T’chan) chinois (2). Elle correspondait bien à son tempérament réservé, voire secret, et silencieux. Sous la direction de Maître Yuno (3), et pratiquant la méditation chaque jour jusqu’à sa mort, il suivra cette voie pendant de longues années, marquées par des dates importantes pour lui, 1991 (shishô), 1998 (ketsumyaku), et janvier 2000 (daiji) où il deviendra moine zen (4). Installé dans le Sud de la France, il sera même un temps maître de dôjô à partir de 1996. 
         Si Guénon ne conseilla jamais de rechercher une initiation extrême-orientale, c’est que celles-ci, qui sont multiples, étaient alors inaccessibles en Europe à son époque, et qu’il pensait que leurs méthodes, que ce soit celles du Taoïsme où celles qui en étaient plus ou moins issues en Chine et au Japon, étaient trop éloignées de la mentalité des Occidentaux et trop difficiles pour eux en général (5)
        Max semblerait d’ailleurs s’être finalement éloigné de cette voie en 2006 à la suite, paraît-il, de sa rencontre avec le néo-mystique Bernard Harmand, lequel a été très influencé par les enseignements de Ramana Maharshi et du Nâtha-yogî Nisargadatta Maharaj (1894-1981) (6). En ce sens, le cheminement spirituel de Max pourrait rappeller d’un certain côté celui d’autres qui suivaient la même voie que lui (7), mais il témoigne surtout de sa volonté à ne pas se satisfaire de mots, d’impressions, de ressentis, ni d’un quelconque statut, que ce soit celui de « maître » ou de « moine », et de son désir irréductible d’accéder à la réalisation effective de la Connaissance en tant que manifestation pleine et entière de la Sagesse. Nous voulons penser qu’il est ainsi simplement retourné à l’origine même du Chán, terme qui n’est autre que la transcription en chinois classique du sanscrit dhyâna, «contemplation». La méthode de Nisargadatta Maharaj, dite «le chemin de l’oiseau», qu’il tenait de son maître Siddharameshwar Maharaj (1888-1936), a d’ailleurs une réelle affinité avec celle de l’école Sôtô. Sans doute Max a-t-il voulu vivifier l’une par l’autre.  
            Il s’était rendu en Inde pour la première fois, avec son épouse, en 1996, et ce fut pour lui un émerveillement. L’Inde est la Mère du Monde, toutes les traditions et toutes les initiations en sont nées et y subsistent d’une certaine manière. Comme on revient toujours à l’origine, il retournera sans cesse auprès d’elle : il y fera une vingtaine de voyages. Il la parcourra du Nord au Sud et d’Est en Ouest. Il se rendit même à Gangotri, une des sources du Gange dans l’Himalaya. Il cherchait sans doute l’entrée du Paradis, et comme d’autres, parce que tous les chevaliers ne sont pas morts, il était en quête du Graal. C’est ce qui devait l’amener naturellement à l’étude en profondeur de l’œuvre de Coomaraswamy.       
           Max travaillait sur les textes de Coomaraswamy depuis plusieurs années quand il entra en relation avec nous, en juin 2020, pour nous proposer ses traductions. Bien qu’à notre connaissance, il n’ait jamais publié auparavant, si ce n’est sur son site internet, il devint rapidemment un des piliers de la revue. Il y publiera sans faillir une traduction chaque trimestre ; il y en aura onze en tout dont la dernière, sur l’Ashvamedha, le Sacrifice du Cheval, qu’il nous adressa à la fin du mois d’octobre et qui figure ici. En 2021, avec M. Jean Annestay, il publia aux éditions i, une anthologie de textes de Coomaraswamy sur La sculpture bouddhiste. Nous lui avions demandé de nous en donner une recension. Ce qu’il fit. Nous la publierons dans le prochain numéro. En 2022, dans la toujours intéressante collection Théôria, dirigée par MM. Pierre-Marie Sigaud et Bruno Bérard, il publia un fort volume de trois-cents pages composé d’articles de Coomaraswamy sous le titre Essais métaphysiques. Il ne pourra malheureusement pas lire le compte rendu qui en sera donné prochainement. Il avait encore de nombreux projets, dont celui d’une édition de la correspondance croisée entre René Guénon et A. K. Coomaraswamy.      
          Ce fut un plaisir d’avoir Max Dardevet comme collaborateur. D’après un message qu’il nous adressa spontanément, c’était réciproque : « Cher ami, Je viens de recevoir le n° 25. Une nouvelle fois ce numéro est de grande qualité (articles et illustrations). Je suis très heureux de participer à sa rédaction. Bravo au maquettiste qui fait un excellent travail. [...] Bien amicalement ». Il n’était jamais en retard  pour envoyer ses textes, et surtout il n’avait aucune vanité d’auteur ou de traducteur, ni aucune vanité tout court croyons-nous ; il était discret jusqu’à l’effacement, étant totalement au service de Coomaraswamy et des doctrines traditionnelles. Notre communion dans les mêmes idées traditionnelles, nous avait tout de suite rapprochés et mis en confiance dès nos premiers échanges. Avec le temps, il avait acquis auprès de nous la présence familière d’un véritable ami sur qui l’on peut compter en toutes circonstances. Sa disparition est une grande perte pour sa famille, ses amis et pour le domaine des études traditionnelles.    
                                          À Dieu, l’ami...


 
La correspondance maçonnique de René Guénon        
         
       M. Laurent Guyot qui prépare une édition intégrale en fac-similé de la correspondance maçonnique inédite de René Guénon avec René Humery, nous offre aujourd’hui la primeur d’extraits jamais publiés. Il est inutile d’en souligner la valeur. Il les présente dans un texte très documenté d’un extrême intérêt.
          À titre très marginal, nous apporterons une petite précision. Dans une note, il mentionne C.S. Lewis, l’auteur du célèbre roman pour enfants The Chronicles of Narnia, qui fut le professeur d’Adrian Paterson et de Martin Lings à Oxford. Lewis avait beaucoup apprécié leurs talents de poètes, et Lings était même devenu un ami de la famille Lewis en 1932. Ce que nous voulons ajouter, c’est qu’en 1937, ayant découvert l’œuvre de Guénon, Lings envoya à Lewis trois des livres de celui-ci. Lewis qui s’était converti à l’hérésie presbytérienne, au grand dépit de son ami aux Inklings J.R.R. Tolkien qui était catholique romain, n’a vraisemblablement fait que les feuilleter et a réagi de la manière la plus sotte. Dans une lettre à un de ses amis, il a écrit que Lings « essayait de le convertir à l’hindouisme »...   
      Un de nos fidèles lecteurs en Italie, nous a fait part de son désir que nous accordions plus de place à la Maçonnerie dans les Cahiers. Nous espérons que le présent texte et les extraits inédits répondront à son attente. Il aurait particulièrement aimé lire, nous écrivait-il, « une étude sur l’état de santé (stato di salute) – évidemment sous l’aspect traditionnel – de la Franc-Maçonnerie latine, notamment française et italienne ». Nous lui avons répondu que sa suggestion était  une bonne idée, mais que la Maçonnerie étant une organisation vaste et « non-ouverte », une telle étude nous paraissait fort difficile à réaliser, surtout si elle s’étendait sur deux pays. Il y a également sans doute en Maçonnerie des Loges indépendantes, détachées de toute Obédience et qui sont donc secrètes, et aussi ce qui a été désigné autrefois comme l’Intérieur de l’Intérieur, ainsi que le rappelait M. Jean-Pierre Lassalle (8). Ces inner circles, qui existent de nos jours dans certaines Loges, correspondent à une structure concentrique qu’il paraît impossible de mentionner publiquement, puisque certains des Frères de la même Loge n’en connaissent pas l’existence... Sans viser à un panorama analogue à celui de P. A. Tunbridge et C.N. Batham dans « The Climate of European Freemasonry, 1750-1810 », paru autrefois dans les Ars Quatuor Coronatorum (vol. 83, 1970), qui bénéficiait du recul historique, nous relayons cependant la demande de notre lecteur dans le cas où quelqu’un se sentirait disposé à une telle étude générale.


Les secrets de la lettre Na
 
        M. Gorlich conclut sa grande étude sur Aurobindo en traitant de sa postérité spirituelle. C’est aussi pour lui l’occasion d’aborder la question de «l’aide orientale» à destination de l’Occident. Il y a sans doute là un point qui est en relation avec l’autre aspect des « mystères de la lettre Nûn » (9), c’est-à-dire avec ce qu’on pourrait alors désigner comme « les secrets de la lettre Na ».
       On se souvient que la lettre Nûn en arabe signifie « poisson » et que le symbolisme de celui-ci, d’origine hyperboréenne, appartient autant au Matsya-avatâra qu’au Christ, c’est-à-dire également au Kalkî-avatâra, ainsi qu’à diverses figures spirituelles majeures de l’histoire sacrée en Orient comme en Occident. On peut citer par exemple Jonas, Matsyendranâth ou Khidr ...
 
                               
(La suite de ce paragraphe est réservée à nos abonnés)

      
        Grâce à M. Gorlich, nous sommes heureux d’accueillir la contribution de Mme Tara Michaël, la célèbre indianiste française, qui offre ici un témoignage personnel qui vient enrichir le texte de M. Gorlich sur la postérité spirituelle d’Aurobindo.
      Nous terminons cette livraison par la première partie d’une étude de M. Houberdon sur l’angélologie, sujet rarement abordé de manière sérieuse de nos jours.
    
       Nous avons pris un peu de retard pour la publication de ce dernier numéro de l’année 2022, et nous prions nos abonnés de bien vouloir nous en excuser. Comme nous sommes maintenant au commencement de la nouvelle année, nous pouvons présenter nos meilleurs vœux à tous nos fidèles abonnés, et spécialement à ceux qui nous soutiennent financièrement, et à tous nos lecteurs de France, d’Italie, d’Espagne, de Suisse, de Belgique, du Luxembourg, d’Allemagne, du Canada et d’ailleurs. Puisse cette année voir la réalisation de leurs aspirations spirituelles les plus élevées.

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Matsya-avatâra

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Taisen Deshimaru

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Essais Métaphysiques A. K. Coomaraswamy
rite maçonnique
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Max Dardevet

Julien Arland

Directeur littéraire

L'intégralité de cet article est exclusivement réservée à nos abonnés ou aux acheteurs du numéro 28 des Cahiers de l'Unité

citation

Pour citer cet article :

Julien Arland, « Éditorial », Cahiers de l’Unité, n° 28, Octobre-novembre-décembre, 2022 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2022

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