Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
POSTFACE AUX « RÉPONSES » D’ABDUL WAHID YAHYA (A.W.Y.)
THE SPECULATIVE MASON
Postface aux « Réponses » d'Abdul Wahid Yahya (A. W. Y.)
publiées dans The Speculative Mason
À la mémoire du F.·. M. G., Sidi ‘Abdul-Hâdî ‘U.
PLAN
L’annonce de la collaboration d’Abdul Wahid Yahya au Speculative Mason
René Guénon, lecteur du Speculative Mason
Le Speculative Mason dans les lettres de René Guénon
L’annonce de la collaboration d’Abdul Wahid Yahya au Speculative Mason
« La Rédactrice en chef souhaite remercier Abdul Wahid Yahya pour les réponses qu’il a adressées aux questions de cette rubrique, et lui serait reconnaissante s’il voulait communiquer son adresse afin qu’un exemplaire de cette revue puisse lui être gracieusement envoyé » (1). C’est ainsi qu’Aimée Bothwell-Gosse, qui dirigeait The Speculative Mason (2), inaugura la rubrique « Notes and Queries », « Messages et Questions » d’avril 1935 (p. 76).
Dans cette section de la revue, des remarques, messages ou demandes particulières portant sur une ou des questions maçonniques étaient publiés, et, dans le numéro suivant, ils étaient repris, suivis d’une ou de plusieurs réponses adressées à ce périodique trimestriel. Pour ces questions et réponses, certains mettaient un nom, probablement quelque pseudonyme ; Aimée Bothwell-Gosse signait ses réponses : « Editor » ou « J. Lloyd » (3). La grande majorité était anonyme, et on se contentait généralement de ne donner que les initiales d’un nom, ou de celles d’un grade maçonnique, comme ceux de M.M. c’est-à-dire Mark Master, Maçon de la Marque, ou de H.R.A., Holy and Royal Arch, etc. Mais, nous l’avons vu, c’est bien « Abdul Wahid Yahya » (4) qui apporta plusieurs réponses que la Directrice décida de publier sous les initiales « A.W.Y. » (5), se conformant en cela à ce qu’elle faisait pour les noms de la plupart des collaborateurs, dont les seules initiales figuraient dans cette rubrique. Les lecteurs savaient, par exemple, que les initiales : « M.C.D. », qui revenaient souvent dans les réponses, étaient celles de Marjorie Cecily Debenham (1893-1990), l’une des collaboratrices régulières du Speculative Mason (6).
René Guénon avait déjà utilisé cette “signature” pour la revue El-Ma‘rifah (La Connaissance, La Gnose), au Caire, dans laquelle il avait publié cinq articles en 1931 (7), « signés de son nom islamique, ‘Abd al-Wâhid Yahyâ, précédé de l’appellation Al-Ustâdh, Le Maître-Enseignant, ou de l’expression Al-Ustâdh al-kabîr, Le grand Maître-Enseignant » (8).
D’autre part, on se souviendra peut-être que certains ont cru que les réponses au Speculative Mason avaient été signées des trois lettres « A.W.Y. » par Guénon lui-même ; ils “interprétèrent” alors cette soi-disant “signature”. Ils s’en seraient abstenus s’ils avaient tenu compte du nom pourtant expressément cité par la Rédactrice en chef. Nous n’insisterons pas sur les “exégèses” données à l’époque. Nous mentionnons simplement leur existence pour montrer comment on peut avoir tendance à passer outre la véracité des faits et donner libre cours à son “inspiration” ; celle-ci, le plus souvent, est manifestement sous l’influence des puissances de l’imagination (khayâl), si ce n’est de la simple conjecture (wahm) ; les théories proposées ne sont donc, au mieux, que « des constructions purement hypothétiques qui ne sont que l’œuvre de la fantaisie individuelle » (9).
René Guénon, lecteur du Speculative Mason
Rappelons que la revue trimestrielle The Co-Mason (1909-1924) a pris le nom de The Speculative Mason à partir de 1925. René Guénon mentionne la première dans le passage suivant : le « F.·. John Yarker (qui, dans les dernières années de sa vie, devint d’ailleurs un des collaborateurs de la revue anglaise The Co-Mason) » (10). En octobre 1932, il fit paraître son premier compte rendu du Speculative Mason (11) dans Le Voile d’Isis, indiquant que le « n° de juillet contient plusieurs articles intéressants » (p. 669), dont celui qui « est consacré à un livre intitulé Classical Mythology and Arthurian Romance, par le professeur C. B. Lewis » ; il s’agissait d’un article d’Aimée Bothwell-Gosse intitulé : « Arthurian Romance and the Holy Grail ». Il mentionnait aussi « Un autre article, sur les changements apportés au rituel par la Maçonnerie moderne, [qui] contient, à l’égard de l’ancienne Maçonnerie opérative et de ses rapports avec la Maçonnerie spéculative, des vues dont certaines sont contestables, mais qui peuvent fournir matière à d’utiles réflexions. » Cette étude, « Changes in the Ritual of Craft Masony », était due à T. W. Livesey.
Toujours en 1932, dans The Speculative Mason cette fois, on publia en juillet une recension détaillée du numéro spécial consacré à l’Hermétisme du Voile d’Isis (avril 1932), qui contient l’article de René Guénon intitulé : « Hermès ». Il semble que ce soit le premier compte rendu du Voile paru dans cette revue maçonnique. Dans la livraison de janvier 1933, on parla du numéro spécial du Voile sur la Chine (août-septembre 1932), principalement de « Taoïsme et Confucianisme », et aussi « Des conditions de l’initiation », qui fut publié en octobre, en insistant, après Guénon, sur la distinction qui doit être faite entre les voies et domaines mystique et initiatique. En avril 1933, deux articles de Guénon sur l’initiation (12) furent étudiés en détail, etc.
On rappellera qu’à la même époque, dans le compte rendu de « La Chirologie dans l’ésotérisme islamique » (13) qui parut en octobre 1932 dans le Speculative Mason, une erreur fut commise, « et qui a quelque importance », comme le releva Guénon : « la période au bout de laquelle la main droite doit être examinée de nouveau est de quatre mois, et non de quatre semaines ; elle n’a donc pas de rapport avec la “révolution de la lune”, et d’ailleurs il n’y a pas d’autre explication astrologique à envisager que celle que nous avons indiquée, et qui est fondée sur la correspondance des signes zodiacaux avec les éléments » (14).
Entre octobre 1932 et juillet-août 1950, Guénon donna trente-neuf comptes rendus du Speculative Mason, ce qui montre, s’il en était besoin, l’intérêt qu’il portait à cette revue. De son côté, sa Directrice et divers collaborateurs continuèrent à parler du Voile d’Isis/Études Traditionnelles, et, surtout, des écrits de René Guénon. On publia aussi des traductions de « Mythes, mystères et symboles » (15) (janvier 1942), et de « L’énigme de Martines de Pasqually » (octobre 1943, janvier et avril 1944) (16). The Speculative Mason continua donc ses publications pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale. Or, le dernier compte rendu de Guénon, pour cette période, concerne le numéro d’octobre 1942 (17) ; Guénon a-t-il pris connaissance des autres numéros parus ultérieurement, et dont il ne fit pas mention ? Dans une lettre que nous citerons plus loin, il écrit qu’il ne dispose que d’« une assez petite partie » de la collection de cette revue. Ce n’est qu’en mars 1948 qu’il reparlera du Speculative Mason, à propos de la livraison d’octobre 1947.
Maintenant, on constate que certains textes publiés dans The Speculative Mason ont pu inciter René Guénon à écrire des articles. Par exemple, deux questions furent posées au sujet du mot Heredom dans la rubrique « Notes and Queries », tout d’abord en janvier 1944 : « Quelle est la signification exacte d’Heredom, au 18e, et, bien entendu, dans les autres grades et dans les autres branches de la Maçonnerie ? » (p. 28) ; puis : « Le mot Heredom ! Est-ce une personne ou un lieu ? Et est-il utilisé dans la Franc-Maçonnerie moderne ? » (juillet 1946, p. 80, et, à nouveau, en juillet 1947, p. 73).
Des réponses furent données par la Directrice, la première dans le numéro d’avril 1944. Nous en reprenons l’essentiel : Heredom viendrait de l’hébreu Harodim, “surintendant”, “contremaître”. Dans la mesure où les consonnes en hébreu ne sont pas vocalisées, on n’a affaire en réalité qu’aux seules lettres H.R.D.M. Certains donnent pourtant une origine latine à ce mot, avec le terme heredom, « héritage des anciens Maçons (heire of the old Masons) », ou, comme Ragon, avec celui d’« hœredum, un héritage » (18). Selon d’autres, il viendrait du grec hieros domos, « Maison sacrée ». Aimée Bothwell-Gosse précisa d’autre part que « l’Ordre Royal d’Écosse consiste en deux grades. Ramsay appela le premier Heredom of Kilwinning, et il dit qu’il apparut en 1124, sous le règne de David Ier, et le second est celui de Rose-Croix, qui fut institué par Robert Bruce, après sa victoire à Bannockburn en 1314. » Cet Ordre, réservé uniquement à ceux qui possédaient le grade de Holy and Royal Arch, se répandit en Écosse en 1763. En 1845, on retrouve le mot Heredom au 18e grade du Rite Écossais Ancien et Accepté, le « Grade parfait de Rose-Croix d’Heredom ». Notons aussi que le terme fautif d’Heroden est attesté dans d’anciens manuscrits du Rite Écossais, notamment dans ce passage : « Heroden est une montagne située au nord-ouest de l’Écosse, là où la première Loge métropolitaine d’Europe s’est tenue » (pp. 52-53).
C’est encore la Directrice qui apporta de nouvelles précisions en octobre 1946, toujours au sujet de la « montagne d’Heredon » ‒ autre corruption d’Heredom ‒, à partir de ce passage d’un ancien rituel écossais écrit en français : « En quel lieu le G[rand] et S[ouverain] Ordre de H.R.D.M. fut-il premièrement établi ? Sur le saint sommet du Mont Moriah, dans le royaume de Judée. Où fut-il ensuite rétabli ? À I Colmkill, et ensuite à Kilwinning où le Roi d’Écosse présida en personne comme L. G. Maître » (p. 110) (19).
En octobre 1947, c’est un 30e qui répondit à la seconde question (p. 104). Il n’apporta guère de nouveaux éléments, se contentant de reprendre une partie de ceux fournis précédemment dans la revue par la Directrice. Dans une autre rubrique de ce même numéro (20), on résuma ce que celle-ci avait déjà indiqué. Les renseignements contenus dans ces deux sections amenèrent René Guénon, et non plus Abdul Wahid Yahya, à rédiger l’article intitulé « Heredom », qui parut dans les Études Traditionnelles de mars 1948 (21).
Autre exemple : on se souviendra que Marius Lepage publia un article sur « La Lettre G » dans Le Symbolisme de novembre 1948 (22). Certains éléments de ce texte furent repris dans The Speculative Mason de juillet 1949, et, dans les sept sections de la rubrique : « From the Master’s Chair », qui constituent en fait un seul et même article, d’importants compléments furent apportés. Parmi les questions traitées, on s’interrogea sur le fait de savoir si « La lettre “G” symbolise Dieu » (23) (p. 73) ; puis on s’intéressa à certaines significations de cette lettre, notamment dans : « “G” et Géométrie au XVIIIe siècle » (p. 75), « Le Gamma grec, la clef d’une énigme » (p. 79), « “G” et l’Étoile polaire dans la Maçonnerie opérative » (pp. 80-87) (24). Dans son compte rendu, Guénon écrivit que ce numéro du Speculative Mason contenait « une importante étude qui, prenant pour point de départ un article de Marius Lepage dans le Symbolisme (voir notre compte rendu dans le n° de décembre 1949), apporte des renseignements inédits et fort intéressants sur la question de la “lettre G”, ainsi que sur ses rapports avec le swastika dans la Maçonnerie opérative ; nous n’y insisterons pas pour le moment, car nous nous proposons d’y revenir dans un article spécial » (25). Celui-ci, « La lettre G et le swastika », paraîtra en juillet-août 1950 (26). Guénon y mentionne le Speculative Mason dans trois notes, et, dans la première, il se réfère à cet article « d’où est tirée la plus grande partie des informations que nous utilisons ici ». Dans une lettre, il précisa à Jean Granger (= Jean Tourniac) que « La figuration de la Grande Ourse comme formant la partie recourbée des branches du swastika (l’Étoile polaire correspondant naturellement au centre de celui-ci) a été indiquée dans le “Speculative Mason” ; je l’ai signalée également dans mon article » (27) dans le passage suivant : « Il est bon de noter que la partie recourbée des branches du swastika est considérée ici comme représentant la Grande Ourse… » Si Guénon s’appuie effectivement sur cette documentation, il ne s’est pas contenté de la reproduire, car il a apporté bien d’autres données doctrinales, symboliques, etc., qu’il serait d’ailleurs intéressant de mettre en évidence dans une étude à part (28).
Le Speculative Mason dans les lettres de René Guénon
Il est une autre “source” que nous avons à prendre en compte maintenant : c’est celle des lettres dans lesquelles René Guénon mentionne la revue maçonnique anglaise. Nous reprendrons ci-après uniquement les passages...
Elyassaa Elbanna, H.R.A.
La suite de cet article est contenue
dans l'édition imprimée du numéro 6
des Cahiers de l'Unité
John Yarker
(1833-1913)
Les positions de Grande Ourse aux solstices et aux équinoxes forment les branches du swastika
Manuel de chirologie
Pour citer cet article :
Elyassaa Elbanna, H.R.A., « Postface aux Réponses d’Abdul Wahid Yahya (A.W.Y.) publiées dans The Speculative Mason », Cahiers de l’Unité, n° 6, avril-mai-juin, 2017 (en ligne).
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juillet-août-sept. 2024